Sortir de la guerre : la tentative de construction d’un ordre des nations démocratiques
I. Le bilan humain et matériel de la guerre
1. Un conflit exceptionnellement meurtrier
Conflit très meurtrier pour les soldats avec près de 10 millions de morts ou disparus : Allemagne et Russie cumulent 4 millions de victimes.
Moins de civils touchés (quelques milliers d’habitants tués par les bombardements ou les troupes d’occupation) mais famines + génocide des Arméniens + guerre civile russe font plusieurs millions de victimes.
1918-1919 : la grippe espagnole, apparue au front, se diffuse en Europe puis dans le monde entier ➝ pandémie qui fait entre 25 et 40 millions de victimes.
2. Des séquelles physiques et psychologiques
Plus de 21 millions de blessés : victimes de gaz (aveugles ou souffrant de troubles respiratoires) + amputés + « gueules cassées ».
Des séquelles psychologiques : dépression, mutisme, tremblements, paralysie ➝ les psychiatres parlent d'obusite et jettent les bases de la recherche sur le stress post-traumatique.
➜ Retour à la vie civile très difficile pour les anciens combattants.
3. Des paysages marqués par la guerre
Des paysages dévastés avec les champs de bataille (cratères, tranchées, galeries). En France, les terrains situés dans la zone rouge sont sanctuarisés.
Les localités situées dans les zones de combat sont à reconstruire, notamment du fait des bombardements massifs (ex : Reims détruite à près de 60%).
Exploitation intensive des ressources naturelles durant le conflit : paysages marqués par la déforestation, importation massive de pétrole.
II. De la guerre à la paix (1919‑1923)
1. Négociations et traités de paix
1919, Conférence de la Paix : les représentants des États vainqueurs se réunissent à Paris pour parvenir à un accord définitif.
Les négociateurs s’inspirent du discours des « 14 points » du président américain Wilson (1918) : diplomatie, désarmement, autodétermination, démocratie et libre-échange mais nombreux désaccords.
Plusieurs traités de paix :
●28 juin 1919, traité de Versailles : règle le sort de l'Allemagne mais laisse des questions en suspens ;
●24 juillet 1923, traité de Lausanne : qui aboutit à un ordre stable.
2. Un ordre international recomposé
La fin des empires :
● Allemagne : mise en place de la République de Weimar ;
● empires multinationaux (Russie, Autriche-Hongrie, Empire ottoman) disparaissent ➝ territoires divisés en États‑nations indépendants (Pologne, Yougoslavie).
Modification des frontières au profit des vainqueurs : l'Allemagne perd 15% de son territoire (la France récupère l'Alsace-Moselle).
Imposition de conditions sévères à l'Allemagne : occupation de certains territoires par l'armée française, limitation des forces armées, versement de réparations à l'Entente.
3. La Société des Nations
Une institution internationale inédite instaurée par le traité de Versailles avec :
● une Assemblée générale qui se réunit annuellement ;
● un Conseil, dominé par les puissances de l'Entente, avec un rôle d'arbitre en cas de litige ;
● des commissions spécialisées (désarmement, réfugiés et apatrides, etc.) et un tribunal international.
➜ Objectifs : stabilité et paix entre les États.
Prise en charge des territoires contestés :
● possessions allemandes et ottomanes sont confiées à la france ou l'Angleterre sous forme de mandats ;
● en Europe, des agglomérations reçoivent le statut de « ville libre ».
➜ Rôle d'arbitrage international.
III. Les mémoires du conflit
1. L’État
Politiques de commémoration :
●14 juillet 1919 : organisation d'un défilé à Paris pour célébrer la victoire de l'Entente ;
●11 novembre 1920 : inhumation du soldat inconnu pour honorer la mémoire des soldats disparus.
Appartion de lieux de mémoire (ex : nécropoles sur les anciens champs de bataille) ➝ phénomène de tourisme mémoriel.
Mémoire locales : soldats accueillis solennellement, 36 000 communes se dotent de monuments aux morts.
2. Les sociétés
Démobilisation progressive qui ne prend fin en France qu’au printemps 1920 : des millions de prisonniers de guerre attendent plusieurs années avant d’être rapatriés.
Réinsertion difficile pour les soldats ➝ création d'associations pour prolonger la solidarité du temps de guerre en défendant leurs intérêts communs et partager des souvenirs.
États ruinés par la guerre, inflation élevée, bouleversements sociaux et politiques (plusieurs États accordent le droit de vote aux femmes).
3. Le pacifisme
Une guerre exceptionnellement meurtrière ➝ nourrit les courants pacifistes, soutenus par les artistes et intellectuels ➝ souhait que cette guerre soit la « der des ders ».
Des efforts politiques :
●Aristide Briand réussit à rétablir les relations diplomatiques entre la France et l'Allemagne ;
●1928, pacte Briand-Kellogg : 63 dirigeants s’engagent à ne plus recourir à la guerre.
Des résultats mitigés : pas de désarmement, esprit de revanche belliciste aggravé par la brutalisation (surtout en Italie et en Allemagne où les traités de paix laissent un fort sentiment de frustration).
IV. De nouvelles tensions et conflictualités
1. Des guerres révolutionnaires
1917, révolution russe : longue guerre civile entre les troupes fidèles à l'Empire (les « blancs ») et l'armée rouge cherchant à imposer l'autorité du gouvernement révolutionnaire sur le territoire.
1922 : fin de la guerre avec la victoire des bolcheviks ➝ plusieurs millions de morts et 800 000 Russes blancs fuient le pays.
Une vague révolutionnaire européenne :
● mars à août 1919 : les communistes dirigent la Hongrie ;
● ni les Spartakistes allemands, menés par Rosa Luxembourg, ni les gardes rouges finalndais ne parviennent pas à s'emparer du pouvoir.
2. En Europe, tensions et contestations
De nouvelles guerres :
● ancien Empire ottoman : les nationalistes de Mustafa Kemal Atatürk expulsent les populations grecques et arméniennes d’Anatolie ➝ 1923, création de la République de Turquie ;
● 1919-1921, guerre entre la Pologne et les bolcheviks.
Tracé des frontières qui suscitent des tensions : en Italie, les irrédendistes revendiquent la région de la Dalmatie, accordée à la Yougoslavie.
Des vaincus qui supportent mal l'humiliation des traités : légende du « coup de poignard dans le dos » en Allemagne qui affaiblit la République de Weimar.
➜ Déstabilisation de l'équilibre européen.
3. Un système colonial remis en question
En Europe : actions de guérilla par les indépendantistes irlandais contre l'armée et la police britannique ➝ 1921, création d'une république irlandaise indépendante au sud.
Au Proche et Moyen-Orient : partage des territoires ottomans entre la France et la Grande-Bretagne perçu comme une trahison ➝ revendications des nationalistes arabes et des immigrés juifs européens attirés par le sionisme en Palestine.
En Afrique et en Asie : remise en cause de la domination des métropoles dans les colonies.