En 1870, la République hérite d'un empire colonial :
● depuis l’Ancien régime : îles Caraïbes, île de la Réunion, comptoirs en Inde ;
● depuis la monarchie de Juillet : prise d’Alger en 1830 ;
● depuis le Second Empire : implantation en Indochine.
Des politiques coloniales hésitantes conduites par les militaires :
● méthode pacifique ➝ négociations avec les élites locales (Brazza au Congo) ;
● d'autres sèment la terreur ➝ mise en place de la méthode « de la tache d’huile » par le général Gallieni (Tonkin, Madagascar).
Une expansion coloniale rapide en Afrique (création de l'AOF et de l'AEF) et en Asie ➝ la France est à la tête du 2nd empire colonial européen.
2. Le choix républicain d’une politique coloniale
Renouveau de l’expansion coloniale après la défaite de 1870, mais elle divise les républicains (Georges Clemenceau vs. Jules Ferry).
Jules Ferry pose les principes de la politique coloniale avec l’idée d’une mission civilisatrice de la métropole vis-à-vis des peuples indigènes.
Popularisation + diffusion de l’idée coloniale via les sociétés savantes de géographie, le parti colonial, des ouvrages à succès et l’école.
3. Rivalités impériales et partage du monde
1885 : conférence de Berlin qui signe le partage de l'Afrique par les puissances européennes ➝ continent peu connu qui attire les convoitises.
Conquête violente en Afrique et en Asie : affrontements entre pays européens (Fachoda, 1898) + massacres et déplacement forcés de populations (Dahomey entre 1890 et 1894, Madagascar entre 1883 et 1895).
II. Administrer un empire présent sur tous les continents
1. Des territoires aux statuts différents
Colonies et protectorats :
● colonies = majorité du territoire colonial. Les habitants des plus vieilles colonies (Antilles, Guyane, comptoirs du Sénégal et de l’Inde) sont citoyens de naissance
;
● protectorats = moins nombreux (Tunisie en 1881, Maroc en 1912, Annam, Laos, Cambodge) et plus autonomes.
1830-1848 : conquête brutale de l'Algérie ➝ divisée en 3 départements français + seule colonie de peuplement (750 000 colons en 1914).
1894 : constitution d'un ministère des Colonies avec des administrateurs coloniaux cumulant des fonctions de police, de justice et de prélèvement de l'impôt.
2. Une politique coloniale ambiguë
Colonie conçue comme un prolongement de la France ➝ mise en place d'une politique d'assimilation. En Algérie, elle est réservée exclusivement aux juifs (décrets Crémieux, 1870).
1887 : Code de l'indigénat ➝ permet l'application de peines diverses (symbole de la domination coloniale).
Dans les faits, il s'agit davantage d'une politique d'association :
● domination coloniale qui s'appuie sur des auxiliaires autochtones ;
● les administrateurs tentent souvent de s'accommoder avec les élites locales.
3. L’exploitation économique des colonies
Une mise en valeur des colonies :
● investissements qui permettent d’exploiter les matières premières dont la métropole a besoin ;
● financement d'infrastructures pour améliorer la rentabilité des colonies.
Déstabilisation des économies locales ➝ mouvements de population et famines : les populations locales sont exploitées (travail forcé) et les ressources naturelles pillées avec le système des concessions.
III. Les sociétés coloniales : perception coloniale et réalité de la ségrégation
1. Le regard colonial : la fascination de l’exotisme
Les colonies suscitent attraction et fascination : entre orientalisme (sensualité de la femme indigène) et répulsion (peuples colonisés considérés comme des sauvages) ➝ ce regard, fasciné ou dégoûté, contribue à une déshumanisation des autochtones (ex des zoos humains).
Développement du tourisme colonial mais la plupart des voyageurs sont imprégnés par une vision européocentriste (ex des ruines d'Angkor au Cambodge) même si des voix singulières émergent (Isabelle Eberhardt).
2. Les « missionnaires du progrès et de la civilisation »
Missionnaires (catholiques ou protestants) : œuvrent à la christianisation des sociétés locales + à la diffusion de la culture métropolitaine.
Développement de la médecine coloniale : campagnes de vaccination contre la variole avec l'installation de succursales de l'Institut Pasteur.
1883 : création de l'Alliance française ➝ diffusion des savoirs et de la connaissance (enseignement du français dans l'empire) ➝ éducation comme moyen de « coloniser les esprits et les cœurs ».
3. Racisme et ségrégation des sociétés coloniales
Une triple ségrégation :
● géographique ➝ les colons vivent dans des quartiers séparés ;
● juridique ➝ différences de traitement entre Européens et indigènes avec le Code de l'indigénat ;
● sociale ➝ autochtones condamnés à des emplois subalternes et moins bien payés, critique voire interdiction des mariages mixtes, femmes autochtones exposées à des violences sexuelles ;
L’idée de la supériorité de la race blanche nourrit un racisme scientifique et justifie une attitude paternaliste qui s’exprime à travers un impérialisme culturel.
Dynamiques d’acculturation : diffusion de la langue française, destruction des cadres traditionnels de solidarité, transformation des paysages, suppression des religions locales, etc.
IV. La colonisation contestée
1. Oppositions et résistances en métropole
L’anticolonialisme des milieux nationalistes : les patriotes craignent que la colonisation ne détourne les Français des « provinces perdues » mais l’empire devient une réserve d’hommes, de main-d’œuvre et de soldats (1912, conscription étendue aux indigènes).
Des oppositions variées :
● des économistes libéraux dénoncent les coûts financiers de la colonisation ;
● l’Internationale socialiste condamne la colonisation : impérialisme comme « stade suprême du capitalisme » (Lénine).
Les « indigénophiles » s’opposent à l’expansion coloniale, aux violences et au racisme (une partie de la presse, des milieux artistiques, politiques et intellectuels).
2. Les résistances locales
Des souverains locaux résistent militairement aux troupes coloniales françaises (les rois Béhanzin au Dahomey et Samory Touré en Afrique occidentale).
Soulèvements populaires contre l'ordre colonial (travail forcé, pression fiscale, expropriation foncière) mais ils sont punis par la métropole ➝ 1871 : révolte d'el-Mokrani en Algérie et des Kanaks en Nouvelle-Calédonie.
Une pacification tardive et incomplète :
● exil des opposants à la colonisation (ex de la reine de Madagascar Ranavalona III) ;
● révoltes nombreuses, contrairement au mythe de « la conquête des cœurs ».
3. L’affirmation des mouvements nationalistes
Résistance aux idées coloniales qui forge l'anticolonialisme : au maghreb, ce rejet est alimenté par la foi islamique.
Nouvelle génération d’élites indigènes formées dans les écoles françaises (parfois même en métropole) qui revendique une égalité des droits (Jeunes Algériens).
Échec du réformisme ➝ opposition de mouvements nationalistes au pouvoir colonial + revendication de l’indépendance (dès 1911 : état de siège en Tunisie).