Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914
I. Progrès, innovations, inventions
1. Le temps des progrès
1870-1914 : « Belle Époque » = vague de modernisation et d'innovations technologiques, industrielles, culturelles et sociales en Europe.
Éloge de la science et de l'industrie avec le positivisme qui développe une véritable religion du progrès : les Expositions universelles servent de vitrines (mise en avant des prouesses technologiques + de l'expansion coloniale).
Diffusion des connaissances grâce aux revues scientifiques, conférences, musées : ex des romans de Jules Verne.
2. Une poussée technologique
Seconde Révolution industrielle + soutien des États et des grands industriels = accélération des recherches :
● 1879 : lampe à incandescence d'Edison (1879) ;
● plastiques synthétiques ;
● 1884 : 1re centrale hydroélectrique.
Une médecine de plus en plus scientifique : 1885, Louis Pasteur met au point un vaccin contre la rage.
3. Les transformations du quotidien
Nouvelles façons de voyager :
● « plan Freycinet » : développement d'un réseau de chemin de fer autour de Paris ➝ le nombre de voies ferrées double entre 1875 et 1892 ;
● nouveaux moyens de transports : métro parisien en 1900, vélo, automobile, autobus, dirigeables et premiers avions.
Nouveaux loisirs : cinéma (création de 200 salles à Paris entre 1900 et 1914) + développement du tourisme balnéaire avec l'aménagement des voies ferrées.
Nouvelles manières de communiquer : après le télégraphe, apparition simultanée du phonographe, du téléphone et de la radio entre 1870 et 1890 + progrès de la photographie et invention de la presse rotative.
➜ Une meilleure diffusion de l'information.
II. Un monde du travail qui évolue
1. Le monde paysan se modernise lentement
Fin du XIXe siècle : crise économique (« Grande Dépression ») ➝ l’exode rural s'amplifie mais la France reste très rurale (paysans = 30% des actifs en 1914).
Adoption de mesures protectionnistes par les gouvernements républicains pour protéger les paysans.
Des dynamiques de modernisation : les coutumes et le mode de vie changent ➝ utilisation d'engrais, progrès de la génétique, augmentation du nombre de faucheuses mécaniques et de moissonneuses.
2. Le monde ouvrier se transforme et s’organise
Des ouvriers de plus en plus nombreux :
● luttes ouvrières, législation, paternalisme des grands patrons (ex : la famille Schneider) ➝ amélioration des salaires et des conditions de vie ;
● à la fin du siècle : hausse du chômage et de la précarité avec la crise économique.
Un milieu politisé :
● multiplication des partis ;
● 1890 : élection des premiers représentants des travailleurs ;
● apparition de journaux représentant les mouvements ouvriers : 1904, création de l'L'Humanité par Jean Jaurès.
Multiplication des grèves et des syndicats ➝ 1895, création de la Confédération Générale du Travail (CGT).
3. Régler la « question sociale »
Certains journaux présentent le prolétariat comme dangereux et le gouvernement réprime sévèrement les grèves et manifestations : 1er mai 1891, fusillade de Fourmies.
Les ouvriers représentent des millions d'électeurs ➝ mise en place de lois :
● 1898 : protection contre les accidents du travail ;
● 1900 : limitation de la journée de travail ;
● 1906 : repos hebdomadaire. ➜ Mais des lois qui ne suppriment pas la misère.
III. L’immigration et la place des étrangers
1. Une période de forte immigration
Accélération des migrations européennes du fait des crises économiques (ex de la crise de la pomme de terre en Irlande) et de la transition démographique.
En France : 40% des immigrés sont belges en 1870 ; en 1911, les Italiens deviennent majoritaires ; Allemands et Espagnols vivent dans les régions frontalières.
1891 : 1er recensement des étrangers en France ➝ naissance de la notion d'immigration.
2. La difficile intégration dans un État‑nation
Flux contrôlés avec la mise en place d'une politique de recrutement par certains patrons ➝ création d'un Syndicat français de la main-d'œuvre étrangère.
Une intégration relative :
● différences linguistiques, culturelles ou religieuses = obstacles ;
● une intégration possible : ex des parcours du général Mac-Mahon (d'origine irlandaise) et de la scientifique Marie-Curie (d'origine polonaise).
Fin du XIXe siècle : émergence d'un entre-soi ➝ quartiers spécifiques dans les villes (les Belges se regroupent dans le quartier de Wazemmes à Lille, les Napolitains dans celui du Vieux-Port à Marseille).
3. De la méfiance au rejet
1895, recensement de tous les « nomades, bohémiens et vagabonds » ; 1912, loi qui impose le port d’un carnet anthropométrique.
Multipilication des violences :
● 1893 : massacre d'Aigues-Mortes ;
● 1894 : Sante Caserio, un anarchiste italien, tue le président Sadi Carnot, ce qui déclenche des violences contre les immigrés italiens de Lyon.
Raisons du rejet : peur de la concurrence, nationalisme et racisme ➝ éclatement de conflits dans les mines et les usines de l'Est (1900-1902 : à Moulaine, exaltation de la « race lorraine »).
IV. Les femmes, entre luttes et discriminations
1. Des actrices économiques, sociales et culturelles…
Le travail des femmes :
● indispensable dans les catégories populaires : champs, usines, domicile ;
● des nouveaux métiers s'ouvrent aux femmes (éducation, santé, commerce) + augmentation du nombre de femmes lettrées, journalistes, artistes.
➜ Toutes restent moins payées que les hommes.
De plus en plus de femmes accèdent à des carrières traditionnellement réservées aux hommes :
● 1861 : Louise Victoire Daubié est la 1re femme à obtenir son baccalauréat ;
● 1900 : Jeanne Chauvin devient la 1re femme avocate.
2. ... qui se heurtent à des discriminations ancrées
Une société misogyne et patriarcale :
● un domaine d'action avant tout domestique ;
● Code civil (1804) : les femmes sont d'éternelles mineures placées sous l'autorité de leur père puis de leur mari ➝ jusqu'en 1907, salaire directement versé à l'homme de la maison ;
● aucun droit politique : elles ne peuvent ni voter ni êtres élues.
1880 : loi Camille Sée ➝ scolarisation obligatoire pour les femmes mais de nombreuses formations restent réservées aux hommes + les enseignements diffèrent en fonction du genre (apprennent à être des mères de famille et des ménagères soumises aux hommes).
3. Les luttes féministes s’intensifient
Développement d'actions féministes en France, inspirées par les suffragettes britanniques et américaines : le féminisme, surtout littéraire, devient militant et collectif ➝ 1909, création de l'Union française pour le suffrage des femmes.
1880 : Hubertine Auclert organise une grève de l'impôt pour les femmes. Mais peu de femmes participent à ces luttes.
Les mouvements s’internationalisent et deviennent des combats politiques : Madeleine Pelletier, au congrès de la Section Française de l'Internationale Ouvrière de 1906, parvient à faire voter le soutien à l'égalité des droits politiques.