L'accélération des transformations économiques et sociales en France
I. L’industrialisation progressive de la société française
1. L’essor de la « première industrialisation »
Un phénomène économique, technologique et social qui transforme les sociétés européennes :
● stade de production artisanale et agricole vers un stade de production industrielle ;
● débute vers 1750 en Angleterre, vers 1830 en France.
Protoindustrialisation = les artisans travaillent à domicile pour des entrepreneurs qui apportent la matière première et viennent chercher le produit fini pour le commercialiser. Rapidement, processus remplacé par le travail en manufacture qui regroupe plusieurs travailleurs en un même lieu pour produire davantage et plus vite.
Les machines-outils se substituent à la force manuelle et améliorent la productivité : fonctionnent avec une nouvelle énergie, la vapeur d'eau, qui nécessite l'emploi du charbon.
2. Secteurs clés et nouvelles formes du travail
Développement de l'industrialisation dans le textile et la sidérurgie avec la mise au point du procédé Bessemer (1855).
Le recours généralisé au machinisme modifie les formes de travail (division du travail) et les rémunérations :
● ouvriers avec des horaires fixes, rémunérés par un salaire ;
● émergence de riches patrons qui contrôlent leurs ouvriers.
3. Une implantation inégale dans l’espace français
Les territoires industriels se développent à proximité des ressources naturelles, des réseaux de transport ou dans des lieux où l’activité est présente depuis longtemps (ex : Lyon et son activité textile devient le « Manchester français »).
Industrialisation non homogène : certaines régions utilisent l'énergie hydraulique plus que la vapeur (Bas-Rhin).
II. France rurale, France urbaine (1840‑1870)
1. Une France majoritairement rurale et agricole
Une grande diversité agricole : polyculture (régions de l’ouest), céréales (Bassin parisien), culture du vignoble (Bordeaux, Bourgogne, Champagne). ➜ 1840-1870 : représentation des campagnes par la peintre Rosa Bonheur.
Les espaces ruraux occupent la majorité du territoire et font l'objet d'une politique impériale de modernisation (amélioration des réseaux de transport : canaux, chemins de fer, chemins vicinaux) et d'encadrement (sécurisation des routes).
Prospérité inégale qui profite aux fermiers utilisant des perfectionnements techniques (assolements, machines à battre, moissonneuses) : la modernisation technique reste faible.
2. Croissance et transformations des villes
Évolution de l'exode rural sous le Second Empire :
● déplacements dans un court rayon pour des compléments de revenus (chantiers de voies ferrées) ;
● les travaux d'ampleur dans les grandes villes nécessitent une main-d’œuvre qui s’installe durablement.
Forte croissance urbaine dans la capitale et les villes industrielles (Saint-Étienne), commerciales (Marseille), administratives (les préfectures) qui concentrent activités et emplois.
Croissance urbaine ➝ engendre une extension et une transformation du bâti (implantation d'usines, construction de halles et de magasins) : villes reliées au chemin de fer ➝ facilite l'approvisionnement alimentaire.
III. L’État impérial, acteur de la modernisation du pays
1. Une politique économique volontariste
Priorité pour le développement économique : enrichir le pays + dynamiser la production nationale pour servir les objectifs politiques ➝ la France doit devenir un acteur majeur de l'Europe.
Le Second Empire soutient la création de banques d’affaires et de dépôt pour financer le développement industriel + les grands travaux publics.
Napoléon III opère une ouverture économique du pays pour stimuler la concurrence :
● 1853 : diminution des droits de douane sur le charbon, la laine et l'acier ;
● 1860 : traité de libre-échange Cobden-Chevalier avec l'Angleterre.
2. Une modernisation des réseaux de transport
Le chemin de fer = moyen de faire circuler plus rapidement les biens (réseau en étoile autour de Paris achevé en 1857).
Les infrastructures (voies ferrées, ponts) sont organisées selon une logique Paris-province.
Essor des relations commerciales avec les colonies et les pays étrangers ➝ modernisation des ports (Le Havre, Bordeaux, Marseille).
3. La transformation de Paris, symbole de la modernité
Début du Second Empire : Paris marquée par l’enchevêtrement du bâti, l’entassement de la population et l’insuffisance des réseaux techniques ➝ problèmes quotidiens de circulation + de crises sanitaires.
Napoléon III décide de moderniser la capitale et confie cette tâche à Haussman : entre 1853 et 1870, la ville est métamorphosée (percement de grandes artères, modernisation des équipements collectifs, construction de logements et d'espaces verts).
IV. La question sociale et ses nouveaux développements
1. Des conditions de travail et de vie difficiles
Monde ouvrier = majoritairement masculin mais compte de nombreuses femmes (textile, mode) et des enfants (usines, mines).
Conditions de travail éprouvantes (discipline sévère avec le livret ouvrier, longues journées de travail, accélération des cadences, accidents, etc.).
Conditions de vie précaires : faibles salaires, logements exigus accueillant des familles nombreuses, insalubrité ➝ augmentation du risque d’épidémies.
2. L’émergence de la question sociale
Émergence d’un prolétariat d’usine qui interroge : les « classes laborieuses » sont perçues comme des « classes dangereuses » (car susceptibles de remettre en cause le droit de propriété) ➝ des enquêtes sont menées (Frédéric Le Play).
Les premiers socialistes des années 1820 avaient relevé des dysfonctionnements dans la société industrielle, mais la question sociale se politise réellement dans les années 1850 avec un socialisme plus radical (Karl Marx, Friedrich Engels).
3. Les réponses à la misère ouvrière
Paternalisme social : certains patrons cherchent à améliorer la vie des travailleurs (avantages matériels en échange de leur obéissance).
Retour de la contestation ouvrière dans les années 1850 face à la politique de répression de l’Empire ➝ 1862-1864 : multiplication des grèves.
25 mai 1864 : la loi Ollivier supprime le délit de coalition ➝ importante avancée sociale.