Tensions, mutations et crispations de la société d'ordres
I. La société d’Ancien Régime : une société d’ordres
1. Une structure en trois ordres
La société d'Ancien Régime est divisée en trois ordres :
●clergé (prie) ;
● la noblesse (combat) ;
● le tiers état (travaille). ➜ Tripartition héritée du Moyen Âge qui assure la bonne harmonie dans la royaume. ➜ Réunification des trois ordres sous convocation du roi : ce sont les états généraux.
Cette hiérarchie est inégalitaire : clergé + noblesse = 2 % de la population (possèdent des privilèges et de nombreuses richesses) ➝ la dignité de chaque individu repose sur sa naissance et la fonction de son ordre.
2. Les ordres privilégiés : le clergé et la noblesse
Le clergé (premier ordre) = 130 000 hommes et femmes à la veille de la Révolution française :
● privilèges : ne payent pas l'impôt direct (la taille) car dispensés + possèdent 10% des terres du royaume ➝ revenu de la dîme ;
● devoirs : prier pour le salut de la population + effectuer des services publics (enregistrement des naissances et des décès, Saint Vincent de Paul avec la création de congrégations religieuses pour aider les plus démunis) ;
La noblesse (second ordre) = 300 000 à 400 000 personnes :
● privilèges : exemptés de la taille + privilèges honorifiques et juridiques ;
● on distingue la noblesse d'épée (au service des armées royales) et la noblesse de robe (individus anoblis par l'achat d'un office).
3. La diversité du tiers état
Le tiers état = 98% de la population ➝ un ordre hétérogène qui regroupe des individus aux niveaux de richesse très variés.
Au sein du tiers état, certains individus ont des privilèges : les paysans payent de lourds impôts ≠ les habitants de grandes villes (Paris, Bordeaux, Rouen) sont exemptés de la taille.
II. Des campagnes en mutation
1. Les structures villageoises
Sous l'Ancien Régime, 80 % de la population est rurale : cadre de vie basé sur la famille nucléaire puis sur la paroisse, avec un rôle indispensable dans l'éducation des villageois.
Majorité des habitants cultive la terre : rythme de vie qui s'organise autour du calendrier des travaux agricoles.
Techniques rudimentaires + système d'assolement triennal (aisse beaucoup de terres en jachère) + à la merci de la météo (1709, famine : mort de 600 000 personnes) = rendements faibles.
En plus des impôts, les paysans doivent payer des redevances (le cens + le champart) à leur seigneur en échange de sa protection ➝ ne reste que très peu pour vivre.
2. Crises et révoltes paysannes
Des paysans soumis à des crises périodiques (mauvaises récoltes) : rareté des grains qui entraîne une flambée des prix ➝ famines ➝ hausse des décès.
La misère + la pression fiscale provoquent périodiquement des tensions et des révoltes réprimées par l'autorité royale : Va Nu-Pieds en Normandie (1639), Bonnets Rouges en Bretagne (1675).
3. Une lente amélioration au XVIIIe siècle
Au cours du XVIIIe siècle, hausse de 40 % de la production agricole ➝ nouvelles terres défrichées + modernisation des outils (la charrue est de plus en plus utilisée) + introduction de la pomme de terre et du maïs améliore l'alimentation des villageois.
Des profits inégaux : seuls les laboureurs, qui possèdent et louent les terres, s'enrichissent ; la situation des petits paysans reste très précaire malgré les tentatives de réduction des impôts (Turgot).
III. L’essor des villes
1. Une croissance démographique et économique
Augmentation de la population : de 20 millions en 1661 à 28 millions en 1789 ➝ natalité élevée + baisse du taux de mortalité infantile (progrès sanitaires avec des épidémies mieux contrôlées).
➜ Bénéficie très largement aux villes (près de 20% des Français sont désormais urbains).
Un développement de l'industrie manufacturière qui profite aux villes (ex de Lyon qui devient capitale de la soie) + l'essor du commerce dynamise les grands ports des façades maritimes (Bordaux, Marseille, Nantes, La Rochelle) ➝ décollage économique avec des villes qui s'enrichissent rapidement.
2. Des inégalités urbaines accrues
Les villes = concentrent les lieux d'éducations et de vie culturelle (universités, sociétés savantes) mais ils ne sont pas ouverts à tous (aristocrates et bourgeois).
Une société urbaine hétérogène qui ne bénéficie pas de la même manière du dynamisme économique :
● les notables côtoient un petit peuple d’artisans et de boutiquiers, organisés en communautés de métiers ;
● l'augmentation du nombre de mendiants inquiète la société ➝ enfermés dans des hospices.
3. La montée en puissance de la bourgeoisie
Des dynamiques économiques qui favorisent les bourgeois (= s'enrichissent par le commerce) : essor d'une haute bourgeoisie qui accède au mode de vie des nobles, mais sans les privilèges.
L'anoblissement : achat d'offices pour obtenir le statut de noble mais pratique méprisée par la noblesse ancienne (pas de mérite).
IV. Les tensions sociales à la veille de la Révolution
1. Privilégiés et pauvres ?
Haute noblesse de cour (faveurs du roi) ≠ nobles ruraux (baisse de revenus + se sentent moins valorisé) qui craignent la dérogeance.
Haut-clergé (recruté dans la noblesse, revenus élevés) ≠ bas-clergé (issu du tiers état, vie modeste).
➜ Fractures au sein des ordres privilégiés.
2. Des frustrations multiples
Remise en cause des fondements inégalitaires de la société d'ordre : dans une société des Lumières où chacun veut être reconnu pour ses talents, le fait qu’il existe des privilèges dérange.
Forte critique des privilèges + lourde fiscalité qui pèse sur le tiers état ➝ regroupement dans des salons où les esprits s’échauffent.
Une bourgeoisie exclue des rôles de commandement du royaume ➝ elle souhaite l'accès au pouvoir (exceptions comme Jacques Necker).
3. La réaction nobiliaire
Seconde moitié du XVIIIe siècle : les nobles cherchent à récupérer certains de leurs privilèges face à l'ascencion de la bourgeoisie ➝ réaction nobiliaire.
La noblesse agit aussi sur le plan symbolique ➝ préserver son rang face à la haute bourgeoisie.
Été 1788 : aggravation des tensions ➝ convocation par le roi des représentants des trois ordres ➝ 5 mai 1789, ouverture des états généraux.