La nature n’est pas aisée à définir, tant le concept enchevêtre des acceptions variées. Que veut-on dire lorsqu’on qualifie de « naturel » un être ou un comportement ? Veut-on signifier « normal », « inné » ? Désignons-nous ce qui n’est pas culturel ou ce qui n’est pas techniquement produit, voire l’inverse de l’artificiel ? Veut-on parler d’une nature humaine qui comprendrait ce que notre volonté ne choisit pas librement ? S’agit-il d’un principe créateur, d’un moteur du changement ?
On le voit, la nature est un concept surchargé sémantiquement et une grande partie du travail philosophique consiste à déterminer ses bornes et ses limites, car c’est à partir de la nature que la philosophie définit de nombreuses notions comme le remarque Heidegger : « C'est elle qui est première dans la mesure où c'est toujours par opposition à la nature que les distinctions sont faites. »
2. Une totalité
La nature peut être définie comme le tout de la réalité, humaine comme extra-humaine. En ce sens il n’existerait pas d’anti-nature. C’est en ce sens englobant que Parménide définit l’être, comme totalité du réel, comprenant la pensée mais excluant le néant.
Plus tard Spinoza refuse de penser, comme Descartes le fait, que l’homme dispose d’un statut séparé des autres êtres de la nature. Contre l’idéal de se rendre « comme maître et possesseur de la nature », Spinoza répondra que l’homme n’est pas un empire dans un empire, il est englobé dans la nature. Il n’existe donc pas d’extériorité de l’homme par rapport à la nature, pas plus qu’entre la nature et Dieu : « la puissance de Dieu et la puissance de la nature sont identiques ». Cependant, la définition de Dieu ici n’est pas celle de la religion, il est impersonnel et s’exprime sur deux modes :
Dieu comme principe créateur de tout l’être est la nature naturante
Dieu, comme l’ensemble des principes nécessaires et des êtres créés, est la nature naturée.
Toutefois, il n’y pas de transcendance d’un mode sur l’autre, Dieu n’est pas séparable de la nature : deus sive natura (Dieu, ou la nature).
3. La nature primitive, en et hors de l’homme
La nature est aussi pensée, voire fantasmée, comme l’état originel perdu. L’idée de l’état naturel qui préexiste à l’État civil, de l’homme primitif qui préexiste à l’homme civilisé, ou encore de la nature vierge qui préexiste à un aménagement des espaces, tient à cette définition de la nature comme état primitif.
Cependant cet imaginaire du « point de départ » est suspicieux, il aboutit souvent à des fictions méthodologiques ou idéologiques et permet surtout de légitimer ce qui succède à la nature : structure politique, organisation religieuse, engagement social, surveillance des instincts.
Cet idéal de la nature originaire est présent dans les grandes sagesses antiques. Epicure indique, par exemple, que la sagesse consiste à trier nos désirs pour sélectionner ceux qui sont naturels et nécessaires. Le stoïcisme en est une autre illustration. Selon Épictète, la nature humaine permet à tout homme de devenir progressivement ce que sa nature lui fixe comme objectif ; en ce sens, la culture n’est que la poursuite de l’intention naturelle. L’homme est alors conçu comme « l’animal raisonnable », maître de lui, puisque sa vertu contrôle ses désirs.
Dans le christianisme, on retrouve l’idée d’une nature perdue, édénique, dont nous avons été chassés pour rejoindre une nature de second ordre qu’il faut soumettre. En effet, telle est la tâche que Dieu fixe à l’homme : « dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et tout animal qui se meut sur terre » (La Bible, Genèse 1-28).
4. Le principe créateur
Penser rationnellement le monde suppose d’établir les causes des événements de la nature et de la nature elle-même. Mais de cause en cause, la raison est conduite à une régression infinie et à une aporie : qu’en est-il de la première cause ?
La nature est alors identifiée à l’idée de la source première, principe créateur et poussée qui rendrait mobile l’ensemble de la création. Cette définition métaphysique nécessaire à la conception de la physique correspond « au premier moteur » ou « principe premier » d’Aristote. Par extension, la nature d’une chose, c’est donc son principe premier ou encore son essence.
Dans les sociétés anciennes, la nature a une dimension cosmologique. La loi au sens naturel (lois de la biologie, de l’astrophysique, de la physique) est l’émanation d’un principe premier qu’il convient de choisir comme guide des lois culturelles (lois morales et politiques).
Ce principe créateur est aussi à l’origine de la distinction entre être naturel et être artificiel, un être naturel étant doté en lui-même d’un principe de mouvement ou de résistance. C’est ainsi que Kant distingue la montre la mieux réalisée et le moindre des êtres naturels : la montre n’a pas son principe de croissance en elle et ne saurait croire par elle-même ou créer d’autres montres.
5. La nature perdue
Dans la Genèse, l’homme reçoit une place naturelle auprès de Dieu, que la faute originelle lui fait perdre. Au sein de cette première nature, l’homme est nu et connaît la satisfaction sans travailler à sa subsistance. Par la suite, il est condamné au travail et couvre son corps de vêtements, puisqu’il a perdu son innocence originelle. Le christianisme pose donc une nature perdue et une société créée à partir d’un événement décisif. Cette conception introduit donc l’idée d’une comparaison des valeurs entre un avant et un après en définissant la culture comme une altérité à la nature.
Rousseau définit également la société et la culture comme un état succédant à une forme idéale et idéalisée de la place naturelle des humains. À partir de la naissance de la propriété privée, la société civile naît avec son cortège de lois, l’obligation de travailler, la misère et la domination interhumaine. La société est donc une corruption de la valeur premièrequ'est la vie naturelle.
Dans les sociétés anciennes, la nature a une dimension cosmologique. La loi au sens naturel (lois de la biologie, de l’astrophysique, de la physique) est l’émanation d’un principe premier qu’il convient de choisir comme guide des lois culturelles (lois morales et politiques).
Ce principe créateur est aussi à l’origine de la distinction entre être naturel et être artificiel, un être naturel étant doté en lui-même d’un principe de mouvement ou de résistance. C’est ainsi que Kant distingue la montre la mieux réalisée et le moindre des êtres naturels : la montre n’a pas son principe de croissance en elle et ne saurait croire par elle-même ou créer d’autres montres.
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L’approche scientifique
1. L’expérience
La nature qu’étudie le scientifique est une nature restreinte, dont les phénomènes ont été convoqués par le scientifique, c’est-à-dire qu’ils ne sont plus spontanés mais provoqués dans un dispositif qui favorise leur mesure.
Cette nature en laboratoire est un modèle épuré de la réalité. Il s’agit déjà d’une construction à partir de laquelle un dialogue est possible entre des phénomènes simplifiés et une rationalité à construire : « La nature éveille notre curiosité, nous lui posons des questions nouvelles auxquelles la nature réplique en suggérant de nouvelles idées et ainsi de suite indéfiniment », déclare ainsi Bergson.
2. Construire ou découvrir les lois naturelles ?
Notre raison scientifique construit-elle les lois de la nature ou force-t-elle la nature à nous livrer ses lois ?
Cournot considère que l’effort du scientifique est de percer le secret de la nature. Dans cette conception, la nature est elle-même organisée suivant des lois rationnelles, elle est une mathesis universalis, et l’homme produit un effort pour comprendre un ordre universel présent et totalement accessible à la raison. Cette idée de la convergence entre l’esprit humain et la structure du monde est également la thèse d’Einstein.
Inversement, Kant considère que l’entendement prescrit ses lois à la nature. La raison puise en elle les structures de compréhension qu’elle espère trouver dans son objet. Michel Foucault montre également que notre approche de la nature dépend des transformations des procédures scientifiques et qu’elle évolue historiquement.
3. Le vivant est-il réductible à des procédures physico-chimiques ?
Le corps naturel organisé possède une complexité d’organisation. Leibniz affirme pour l'illustrer : « les machines de la nature, c’est-à-dire les corps vivants, sont encore machines dans leurs moindres parties, jusqu’à l’infini. C’est ce qui fait la différence entre la Nature et l’Art, c’est-à-dire entre l’art divin et le nôtre ». L’approche scientifique du vivant repose donc, soit sur des conceptions différentes de la particularité naturelle, soit sur sa négation.
Le mécanisme :
On a souvent rapproché le fonctionnement de l’être vivant et celui de la machine, selon le modèle de l’automate ou de l’« animal machine ». C’est ce que l’on appelle le mécanisme. Descartes propose ainsi d’appliquer les règles de la physique aux corps naturels organisés (celui de l’homme comme celui de l’animal). En ce sens, étudier un être vivant, c’est interroger les rouages d'un corps, expliquer sa chaleur, mettre en évidence son organisation et ses actions.
On pourrait alors comprendre le corps d’un animal sur le modèle d’un automate ou d’une machine dans la mesure où les lois de la physique et de la mécanique suffisent à comprendre à la fois la formation et le fonctionnement de l’organisme. Descartes utilise ainsi au début du Traité de l’homme une comparaison entre l’homme et une « machine de terre» dont les différents éléments sont comparables à une horloge ou à une fontaine.
Le vitalisme :
Au mécanisme s’oppose le vitalisme. Pour les partisans du vitalisme (Aristote, Bergson) on ne peut pas réduire le vivant à des règles ou à des lois physiques ou mécaniques, car le vivant relève d’un autre ordre de réalité.
Le vivant possède une spécificité telle que pour le comprendre, il faut en quelque sorte accorder une exception au statut de la vie. La matière vivante serait ainsi animée d’un principe vital, une force qui l’anime.
Le vivant semble exclure toute règle générale, car il est par essence marqué d’une originalité irréductible, d’où la question du respect que l’on doit au vivant. La bioéthique, les lois régissant la recherche expérimentale sur les embryons humains (Loi n° 2013-715 du 6 août 2013) ou encore les comités d’éthique sont des indicateurs très nets de la façon dont le vivant est aujourd’hui considéré comme un objet.
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Quelle est la place de l’homme ?
1. L'homme est un roseau pensant
Pascal situe l’homme entre deux infinis naturels. Menacé d'être écrasé par l’univers infiniment grand et penché sur l’abîme de l'infiniment petit en lui, il est cependant un roseau pensant. La dignité de l’homme tient donc à cette fragile ligne de partage entre la nature aveugle et sa conscience.
L'antinomie nature / culture est la condition de la dignité qu’il entend reconnaître à son espèce. Le statut qu’il souhaite conforter suppose d’appuyer sur les points de divergence entre sa culture et le donné naturel. Ces distinctions seront, tour à tour, le langage opposé au cri, la rationalité opposée à l’instinct, ou encore la conscience opposée au jeu des forces mécaniques des corps.
2. L’homme naturel
L’homme naturel est d’abord celui que l’on suppose sans culture, et donc celui qui est qualifié de barbare (du grec barbaros : celui qui n’est pas de culture hellénique). Or, l’ethnologie nous apprend que la seule barbarie est précisément de refuser à un être humain sa dignité ou son appartenance à l’espèce au prétexte d’une différence culturelle : « Le barbare c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie », selon Lévi-Strauss. L’étude des sociétés dites primitives, qui sont surtout des sociétés sans commerce avec les nôtres, montre qu’Il n’existe pas d’homme naturel, mais seulement des différences culturelles.
En dehors de l’approche ethnologique, la question de l’homme naturel est l’occasion d’un débat sur la liberté. Selon Thomas d'Aquin ou Aristote, l’homme culturel n’est que la réalisation d’un potentiel en l’homme naturel. Ainsi Aristote considère que l’homme est un « zoon politikon » (animal politique), car sa sociabilité naturelle trouve sa pleine expression dans la fondation de la cité. Au contraire, selon Hegel la nature est « l’Esprit aliéné » et le progrès de l’Esprit consiste essentiellement dans sa prise de conscience de lui-même comme absolu.
3. L’antinomie nature /culture
Notre modernité va interroger la pertinence de l’antinomie entre la nature et la culture. Plusieurs causes conjuguées vont aboutir à cette remise en question : la naissance d’une conscience écologique, les progrès théoriques et pratiques de l’éthologie, la naissance et le développement de la génétique qui permet de réinterpréter en partie la phylogénèse, l’apprentissage d’une forme de langage par certains grands primates et la compréhension des modes de communication du monde végétal.
Là où les philosophes pensaient précédemment un seuil, l’époque contemporaine propose une différenciation de degré entre l’homme et l’animal, puis entre nature et culture. Ainsi Merleau-Ponty ne veut pas chercher une ligne de fracture puisque tout est fabriqué et tout est naturel en l’homme. La moindre de nos actions requiert une pensée complexe qui mêle ce qui peut sembler, au prix d’une simplification naïve, appartenir au domaine naturel ou au domaine culturel.
Cependant, si certains auteurs pensent un enchevêtrement du naturel et du culturel, d’autres refusent la nature humaine au profit de la liberté. Sartre considère que le concept de nature humaine contient un déterminisme qui s’accommode mal de la philosophie existentialiste qu’il promeut, puisqu’il restreint la capacité humaine à définir sa vie librement.
4. L’inné et l’acquis
L’inné est fixé à la naissance, il n’est donc pas modifiable par l’individu. L’acquis désigne les caractères issus d’une pratique, celle de l’individu ou celle de son milieu social, il est donc modifiable. Par exemple la voix – ou son absence – est innée ; mais le chant ou la parole sont acquis, je peux apprendre à moduler ma voix, mais sur la base d’une détermination biologique. Une confusion fréquente consiste à associer sans analyse l’inné au naturel, et l’acquis au culturel. On peut parler d’une confusion, car un enfant hérite partiellement du comportement culturel de ses parents. Si une femme enceinte absorbe du cannabis, elle s’expose à un accouchement prématuré et le bébé sera plus sensible aux infections durant les premiers mois. Cet enfant reçoit donc des caractères innés qui tiennent au comportement parental et qui n’ont rien de naturels.
Il reste que séparer en l’homme l’inné et l’acquis est souvent une bataille idéologique qui masque d’autres intentions. En considérant que tel critère inné (couleur de peau, sexe, etc.) détermine un comportement social, on a pu tenter de justifier toutes les discriminations. À l’inverse, la volonté politique de privilégier l’acquis a conduit à l’impasse du communisme de l’ex-URSS qui refusait les lois génétiques puisqu’elles impliquent une détermination biologique initiale. Il s’agit donc de penser la question de la liberté de l’homme en regard de sa constitution naturelle et génétique.
Le biologiste Pierre-Henri Gouyon permet de dépasser cette alternative qu’il présente ironiquement ainsi : « les gènes c’est une idée de droite, l’environnement c’est de gauche ». Selon lui, un gène est une « recette » qui a besoin d’un « cuisinier » pour devenir un plat. Plus philosophiquement, l’inné est un programme qui ne peut devenir une réalité que dans la mesure ou des comportements et un environnement expriment son potentiel. L’homme relève à 100% de l’acquis et à 100% de l’inné. Il s’agit donc de repenser l’homme dans sa complexité plutôt que de vouloir borner le terrain naturel en lui.
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Un juste rapport à la nature
1. Nostalgie et illusion
Devenant incapable d’identifier ce qui dépend du naturel et ce qui dépend du culturel, l’homme contemporain peut être conduit à vivre un rapport illusoire à la nature. La nostalgie de la nature perdue, l’idéal du naturel retrouvé dans l’assiette ou dans le folklore rural, le fantasme de la nature vierge s’affichent sur nos écrans ou font le succès d’un présumé « retour à la nature ». Les sociologues Daniel Léger et Bertrand Hervieu indiquent que derrière ce fantasme du retour se cache une aspiration éthique, car le naturel est identifié à ce qui est bon par essence. L’homme moderne et désorienté cherche donc moins à fuir un monde technique qu’à redéfinir ce que peut être une vie bonne, préoccupation centrale de l’éthique.
L’utopie naturelle n’est pas nouvelle, Thomas More s’en fait le porte-parole dans la description de la maison des utopiens qui s’ouvre sur un jardin produisant subsistance, beauté et harmonie. D’autres mythes contemporains, Tarzan par exemple, alimentent le même espoir de (re-) devenir naturel. Pourtant, il n’y a là qu’une impossibilité logique que précise le philosophe et sociologue contemporain Jon Elster. Pour devenir naturel, il faut s’efforcer de le faire, produire un effort pour changer, ce qui n’est pas compatible avec la spontanéité du naturel.
2. Un nouveau contrat
Si le 100% naturel est introuvable et improductible, si le fantasme du retour est un aveu de démission de la raison, et si l’inné et l’acquis sont enchevêtrés, comment penser notre rapport à la nature ?
Le XXe siècle déjà, et le XXIe siècle plus encore, prennent conscience d’un devoir être de la culture dans l’environnement naturel. Il ne s’agit plus de prétendre que cet environnement est une nature vierge, ni qu’il est purement une ressource pour la technique et l’exploitation, mais il s’agit de refonder le contrat tacite d’usage des ressources naturelles.
Michel Serres considère qu’il est temps de fonder un contrat naturel qui place l’homme en situation de symbiote et non plus de parasite. Le parasite habite son hôte en lui prélevant des ressources sans partage, jusqu’à produire son épuisement et sa mort éventuelle. Inversement le symbiote entre dans une relation de don et de contre-don avec son hôte. Ce modèle des échanges entre l’homme et son environnement peut produire un usage de la nature non destructif, au bénéfice mutuel de l'humanité et de son milieu de vie.
3. Prospecter et respecter
Etymologiquement, le terme de respect vient du verbe latin respectare qui signifie « regarder en arrière ». Sous un angle moral, le respect consiste à maintenir l’intégrité morale d’un être, le considérer comme une finalité et pas comme un outil ou une ressource.
On voit bien que l’humanité n’a pas développé la culture en respectant l’environnement, mais en déterminant les potentialités d’un lieu, d’une ressource, de tels ou tels animaux, pour faire prospérer son environnement technique. En ce sens, Heidegger regrette que la technique « arraisonne » la nature, la force à livrer ce qu’elle ne veut pas fournir. Si le moulin attend que vent offre sa puissance, la centrale hydrolique organise les courants et le débit du fleuve pour qu’il soit sommé de livrer sa puissance. On peut conclure que le moulin re-specte ce que la centrale pro-specte.
Cependant, constater que la culture prospecte les potentialités naturelles ne veut pas dire qu’elle doit le faire sans égards pour l’environnement. Il est possible de penser une exploitation non destructrice qui choisisse de favoriser la durabilité et la qualité.
L’humanité doit repenser son rapport à la nature face au délabrement des équilibres naturels, mais doit-elle le faire au nom d’un droit des êtres naturels ou au nom de sa propre survie et de sa propre qualité de vie ? Il relève de notre responsabilité de préserver l'environnement et les ressources de la planète, comme nous y invite le principe de responsabilité défini par Jonas mais le pourrons-nous sans introduire une dimension sacrée dans la nature ? Les anciennes civilisation le faisaient en vénérant Gaïa, la terre mère, nourricière et première. Notre modernité devra trouver un mode de modification de la nature permettant aux générations futures de revenir sur nos choix d’exploitation en disposant de ressources au moins égales en volume et en qualité.
L’exigence sous-jacente à cette visée écologiste est de mettre en balance les intérêts économiques engagés par l’exploitation des ressources et l’intérêt vital des hommes actuels et futurs. S’exprime ainsi la nécessité de trouver une justice dans nos rapports avec la vie biologique. Aldo Leopold qui peut être considéré comme l’un des pères de la conscience environnementale américaine déclarait : « Examinez chaque question en termes de ce qui est éthiquement et esthétiquement juste autant qu'en termes de ce qui est économiquement avantageux. Une chose est juste lorsqu'elle tend à préserver l'intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu'elle tend à l'inverse ».