« Il est manifeste, à partir de cela, que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain (autre traduction possible « soit une bête, soit un dieu »). »
Aristote, La Politique, IVe siècle av. J.-C.
Rousseau : le besoin sépare les hommes
« L'effet naturel des premiers besoins fut d'écarter les hommes et non de les rapprocher. Il le fallait ainsi pour que l'espèce vînt à s'étendre, et que la terre se peuplât promptement ; sans quoi le genre humain se fût entassé dans un coin du monde, et tout le reste fût demeuré désert. »
Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues, 1781
Hobbes : la naissance du Léviathan
« C’est comme si chaque individu devait dire à tout individu : j’autorise cet homme ou cette assemblée d’hommes, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même manière.Cela fait, la multitude ainsi unie en une personne une, est appelée un ÉTAT, en latin CIVITAS. Telle est la génération de ce grand LÉVIATHAN, ou plutôt (pour parler avec plus de déférence) de ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le dieu immortel, notre paix et notre défense. »
Hobbes, Léviathan, 1651
Rousseau : les termes du contrat social
« Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution. [...] Si donc on écarte du pacte social ce qui n'est pas de son essence, on trouvera qu'il se réduit aux termes suivants : Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. »
Rousseau, Du Contrat social, 1762
Spinoza : l’exercice de la souveraineté
Selon Spinoza, le transfert de puissance à un pouvoir souverain n’ôte pas réellement aux hommes leur puissance et leur droit naturel. Malgré cette définition de la souveraineté, l’individu « se réserve une grande part de son droit », et le souverain n’est jamais dans la capacité de se livrer sans risque de révolte à une volonté arbitraire.
« Quiconque a le souverain pouvoir, qu’il n’y ait qu’un maître, qu’il y en ait plusieurs, ou enfin que tous commandent, a certainement le droit de commander tout ce qu’il veut ; et d’ailleurs quiconque a transféré à un autre, soit volontairement, soit par contrainte, le droit de se défendre, a renoncé tout à fait à son droit naturel, et s’est engagé conséquemment à une obéissance absolue et illimitée envers son souverain, obéissance qu’il doit tenir tant que le roi ou les nobles, ou le peuple, gardent la puissance qu’ils ont eue, laquelle a servi de fondement à la translation des droits de chacun. »
Spinoza, Traité Théologico-politique, 1670
Montesquieu : la liberté politique et la séparation des pouvoirs
« La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n’est pas toujours dans les États modérés. Elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir : mais c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Une constitution peut être telle, que personne ne sera contraint de faire les choses auxquelles la loi ne l’oblige pas, et à ne point faire celles que la loi lui permet. »
Montesquieu, De l’Esprit des lois, 1748
Rousseau : le corps politique
« À l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif, composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique, qui se forme ainsi par l’union de toutes les autres, prenait autrefois le nom de cité, et prend maintenant celui de République ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, souverain quand il est actif, puissance en le comparant à ses semblables. »
Rousseau, Du Contrat social, 1762
Bakounine : l’anarchisme et la liberté
« Je suis un amant fanatique de la liberté, la considérant comme l'unique milieu au sein duquel puissent se développer et grandir l'intelligence, la dignité et le bonheur des hommes ; non de cette liberté toute formelle, octroyée, mesurée et réglementée par l'État, mensonge éternel et qui en réalité ne représente jamais rien que le privilège de quelques-uns fondé sur l'esclavage de tout le monde. »
Bakounine, Qui suis-je ?, XIXe siècle
Aristote : les constitutions droites et les constitutions déviées
« Il est donc manifeste que toutes les constitutions qui visent l’avantage commun se trouvent être des formes droites selon le juste au sens absolu, celles, au contraire, qui ne visent que le seul intérêt des gouvernants sont défectueuses, c’est-à-dire qu’elles sont des déviations des constitutions droites. Elles sont, en effet, despotiques, or la cité est une communauté d’hommes libres. »
Aristote, Les Politiques, IVe siècle av. J.-C.
Rousseau : la volonté générale
« Il s’ensuit de ce qui précède que la volonté générale est toujours droite et tend toujours à l’utilité publique : mais il ne s’ensuit pas que les délibérations du peuple aient toujours la même rectitude. On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, et c’est alors seulement qu’il paraît vouloir ce qui est mal. Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun ; l’autre regarde à l’intérêt privé, et n’est qu’une somme de volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale. »