« Nous arrivons donc à la définition suivante : une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent. Le second élément qui prend ainsi place dans notre définition n’est pas moins essentiel que le premier car, en montrant que l’idée de religion est inséparable de l’idée d’Église, il fait pressentir que la religion doit être une chose éminemment collective. »
Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, 1912
Lévi-Strauss : la place du mythe dans l’anthropologie
« Disons, pour éclairer cette thèse [d’après laquelle le mythe ne se réduit pas à son sens littéral, mais constitue un langage à part entière], que dans un conte, un « roi » n’est pas seulement un roi, et une « bergère » une bergère, mais que ces mots et les signifiés qu’ils recouvrent deviennent des moyens sensibles pour construire un système intelligible formé des oppositions : mâle/femelle (sous le rapport de la nature) et haut/bas (sous le rapport de la culture), et de toutes les permutations possibles entre les six termes. »
Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux, « Mythologie et rituel », 1958
Kierkegaard : la foi et l’incertitude
« Croire est une opération spécifiquement et nettement différente de toute autre assimilation et intériorité. La foi est, dans le scandale de l’absurde, l’incertitude objective maintenue fermement dans la passion de l’intériorité, laquelle passion est justement le rapport de l’intériorité à la plus haute puissance. »
Kierkegaard, Post-scriptum final non-scientifique aux Miettes philosophiques, 1846
Spinoza : la relation entre le pouvoir politique et la religion
« Mais si le grand secret du régime monarchique et son intérêt principal, c’est de tromper les hommes et de colorer du beau nom de religion la crainte où il faut les tenir asservis [...] comment concevoir rien de semblable dans un État libre, et quelle plus déplorable entreprise que d’y répandre de telles idées, puisque rien n’est plus contraire à la liberté générale que d’entraver par des préjugés ou de quelque façon que ce soit le libre exercice de la raison de chacun ! »
Spinoza, Traité théologico-politique, 1670
Rousseau : religions révélées et religion naturelle
« On me dit qu’il fallait une révélation pour apprendre aux hommes la manière dont Dieu voulait être servi ; on assigne en preuve la diversité des cultes bizarres qu’ils ont institués, et l’on ne voit pas que cette diversité même vient de la fantaisie des révélations. Dès que les peuples se sont avisés de faire parler Dieu, chacun l’a fait parler à sa mode et lui a fait dire ce qu’il a voulu. Si l’on n’eût écouté que ce que Dieu dit au cœur de l’homme, il n’y aurait jamais eu qu’une religion sur la terre. »
Rousseau, Émile, 1762
Saint Anselme : la preuve ontologique (ou a priori) de l’existence de Dieu
« Certainement ce dont on ne peut rien concevoir de plus grand ne peut être dans l'intellect seul. En effet, s'il n'était que dans l'intelligence, on aurait pu penser qu'il soit aussi en réalité : ce qui est plus. Or donc, si l'être dont on ne peut concevoir de plus grand est dans l'intelligence seule, cette même entité, dont on ne peut rien concevoir de plus grand, est quelque chose dont on peut concevoir quelque chose de plus grand : mais certainement ceci est impossible. Par conséquent, il n'y a aucun doute que quelque chose dont on ne peut rien concevoir de plus grand existe et dans l'intelligence et dans la réalité. »
Saint Anselme, Proslogion, 1078
Tertullien : la croyance et l’absurde
« Le fils de Dieu est mort : c'est croyable parce que c'est absurde ; et, après avoir été enseveli, il est ressuscité ; c'est certain parce que c'est impossible. »
Tertullien, De Carne Christi, vers 250
Kant : on ne peut ni prouver, ni réfuter par la raison l’existence de Dieu
« Je soutiens que tous les essais d’un usage simplement spéculatif de la raison, sous le rapport de la théologie, sont entièrement infructueux et qu’ils sont nuls et sans valeur quant à la nature interne de cette science ; que, d’un autre côté, les principes de son usage naturel ne nous conduisent à aucune théologie et que, par conséquent [...] il ne peut y avoir de théologie de la raison. » « L’Être suprême reste donc pour l’usage simplement spéculatif de la raison un simple idéal, mais cependant un idéal sans défauts, un concept qui termine et couronne toute la connaissance humaine ; l’objective réalité de ce concept ne peut sans doute être prouvée par ce moyen, mais elle ne peut pas non plus être réfutée. »
Kant, Critique de la raison pure, 1781
Nietzsche : Dieu est mort
« Le plus grand récent événement - à savoir que « Dieu est mort », que la croyance au Dieu chrétien est tombée en discrédit - commence dès maintenant à étendre son ombre sur l'Europe. [...] Nous autres philosophes, nous autres « esprits libres », à la nouvelle que le « vieux dieu est mort », nous nous sentons comme touchés par les rayons d'une nouvelle aurore : notre cœur à cette nouvelle, déborde de reconnaissance, d'étonnement,de pressentiment, d'attente - voici l'horizon à nouveau dégagé, encore qu'il ne soit point clair, voici nos vaisseaux libres de reprendre leur course, de reprendre leur course à tout risque. »