Platon : la condamnation de l’art imitatif comme art trompeur
« L’art de l’imitation est assurément loin du vrai et, apparemment, s’il s’exerce sur toutes choses, c’est parce qu’il ne touche qu’à une petite partie de chacune, et qui n’est qu’un fantôme. Ainsi le peintre, affirmons-nous, nous peindra un cordonnier, un menuisier, et les autres artisans, alors qu’il ne connaît rien à leurs arts. Cependant, pour peu qu’il soit bon peintre, s’il peignait un menuisier et le leur montrait de loin, il pourrait tromper au moins les enfants et les fous, en leur faisant croire que c’est véritablement un menuisier. »
Platon, République, 380 av. J.-C.
Kant : la définition kantienne du génie
« Le génie est le talent (don naturel) qui donne à l’art sa règle. Et puisque le talent, faculté créatrice innée en l’artiste, appartient à la nature, on pourrait aussi s’exprimer ainsi : le génie est la disposition innée de l’esprit par laquelle la nature donne à l’art sa règle. »
Kant, Critique de la faculté de juger, 1790
Hegel : l’art est un besoin humain
« Le besoin universel et absolu d’où découle l’art (selon son côté formel) a son origine dans le fait que l’homme est conscience pensante, autrement dit qu’à partir de lui-même il fait de ce qu’il est, et de ce qui est en général, quelque chose qui soit pour lui. Les choses naturelles ne sont qu’immédiatement et pour ainsi dire en un seul exemplaire, mais l’homme, en tant qu’esprit, se redouble, car d’abord il est au même titre que les choses naturelles sont, mais ensuite, et tout aussi bien, il est pour soi, se contemple, se représente lui-même, pense et n’est esprit que par cet être-pour-soi actif. »
Hegel, Cours d’esthétique, 1835-1837
Kant : la différence entre la contemplation et le désir
« L’agréable et le bon se rapportent tous deux à la faculté de désirer, et c’est en quoi ils impliquent une satisfaction : satisfaction conditionnée pour le premier par la sensibilité (par des stimulants, stimuli) et pour le deuxième, pure satisfaction pratique, déterminée non seulement par la représentation de l’objet, mais encore par la représentation d’une union entre le sujet et l’existence de l’objet. En revanche le jugement de goût est purement contemplatif : c’est un jugement qui, indifférent à l’existence d’un objet, n’unit que sa nature au sentiment de plaisir et de peine. »
Kant, Critique de la faculté de juger, 1790
Hume : le problème de l’universalité du jugement de goût
« Bien que les principes du goût soient universels, et presque, sinon entièrement, les mêmes chez tous les hommes, cependant bien peu d’hommes sont qualifiés pour donner leur jugement sur une œuvre d’art, ou pour établir leur propre sentiment comme étant la norme de la beauté. Les organes de la sensation interne sont rarement assez parfaits pour permettre à ces principes généraux de se déployer pleinement, et pour produire un sentiment correspondant à ces principes. »
Hume, De la Norme du Goût, 1757
Kant : le « sens commun » comme exigence
« Ce sens commun ne peut être fondé sur l’expérience, car il entend légitimer des jugements qui contiennent une obligation ; il ne dit pas que chacun sera d’accord avec notre jugement, mais qu’il devra l’être. »
Kant, Critique de la faculté de juger, 1790
Goodman : l’œuvre d’art est contextuelle
« Pour les cas cruciaux, la véritable question n’est pas "Quels objets sont (de façon permanente) des œuvres d’art ?"mais "Quand un objet fonctionne-t-il comme œuvre d’art ?" - ou plus brièvement, comme dans mon titre, "Quand y a-t-il de l’art ?". Ma réponse : exactement de la même façon qu’un objet peut être un symbole - par exemple, un échantillon - à certains moments et dans certaines circonstances, de même un objet peut être un œuvre d’art en certains moments et non en d’autres. »
Nelson Goodman, “Quand y a-t-il art ?”, Manières de faire des mondes, 1992
Kant : le beau et le sublime
« Le beau de la nature concerne la forme de l’objet, et cette forme consiste dans la limitation, le sublime au contraire peut se trouver dans un objet informe, en tant qu’on se représente dans cet objet ou grâce à lui l’absence de limites ; en concevant en outre sa totalité. »
Kant, Critique de la faculté de juger, 1790
Merleau-Ponty : la figuration n’est pas la fin dernière de l’œuvre d’art
« Le monde n’est plus devant [le peintre] par représentation : c’est plutôt le peintre qui naît dans les choses comme par concentration et venue à soi du visible, et le tableau finalement ne se rapporte à quoi que ce soit parmi les choses empiriques qu’à condition d’être d’abord "auto-figuratif"; il n’est spectacle de quelque chose qu’en étant "spectacle de rien", en crevant "la peau des choses" pour montrer comment les choses se font choses et le monde monde. »