Désirer : du latin desiderare, « regretter la contemplation d’un astre ». Désirer, c'est vouloir obtenir une chose, être tendu vers un but.
Le désir est une tension vers ce dont on manque : la détermination du désir comme manque dans le Banquet de Platon et le mythe des androgynes raconté par Aristophane. À l’origine les êtres étaient des doubles. À cause de leur orgueil, ils furent punis par Zeus et coupés en deux. Le désir est avant tout un manque essentiel.
Le désir est donc une tension vers un but. Si on n’obtient pas l’objet ou qu’on l’a perdu, cela provoque de la souffrance, de la nostalgie ou du regret.
B) Désir et besoin
Le désir est différent du besoin :
dans le cas du besoin, l’objet permet de satisfaire une fonction ;
3 types de besoins : ceux rattachés à la survie de l’individu (boire, manger, dormir, etc.), ceux rattachés à la survie de l’espèce (reproduction), et les besoins artificiels créés par le système social (salaire, voiture, etc.).
Le désir vise l’objet pour lui-même, en tant qu’il est particulier. Il y a un caractère d’urgence dans le désir : si je ne peux pas le réaliser, c'est mon être tout entier qui est atteint.
Le désir porte en lui un caractère d’impétuosité, il envahit mon horizon de pensée. On peut être rongé par un désir. C'est ce qu’on désigne souvent en philosophie par le terme de passion.
C) Le désir comme propre de l’homme
Le désir est, en ce sens, proprement humain. Les animaux n’éprouvent que des besoins, alors que l’homme est de manière essentielle un être de désir. Le désir est ce qui nous met en mouvement, nous oriente vers des buts.
Être un homme, c'est être un sujet désirant : le conatus de Spinoza. Le désir que Spinoza appelle « conatus » ou « appétit »est moteur de toutes les actions des hommes. Sans désir, il n’y aurait ni culture, ni civilisation, ni philosophie, ni action.
2Le paradoxe du désir et de sa fin
A) Désir et plaisir
Le désir est une tension qui vise l’assouvissement du désir.
Paradoxe : une fois que l’on a obtenu la chose désirée, le désir devrait disparaître. C'est la différence avec la notion de plaisir : le plaisir marque l’accomplissement du désir mais aussi sa fin, c'est un moment de vérité, est-on comblé ou déçu ? Pourtant, la satisfaction est souvent de courte durée, le désir assouvi est remplacé par un autre, ou se renouvelle.
B) L’insatiabilité du désir
On peut s’interroger sur la fin du désir, et repérer un enchaînement à l’infini des désirs. Les désirs ne sont-ils pas insatiables ? Est-il réellement possible de combler ce manque qui peut sembler infini ?
Si le désir se perpétue indéfiniment, c'est que ni l’objet ni la satisfaction du désir ne semblent pouvoir expliquer la structure du désir. Cf. Socrate et Calliclès dans le Gorgias.
3Faut-il satisfaire tous ses désirs ? Peut-on maîtriser ses désirs ?
A) Faut-il satisfaire ses désirs ou faut-il au contraire se libérer de nos désirs ?
Ai-je le droit de satisfaire tous mes désirs ? Tous les désirs ne sont pas réalisables car ils risquent de porter atteinte à autrui : la réflexion sur le désir s’inscrit dans le champ de la morale ou de l’éthique.
Le désir peut nous ôter notre capacité critique et nous plonger dans un état d’aliénation. Qui désire alors dans ce cas ? Est-ce le sujet pleinement conscient de lui-même ou une partie irrationnelle en lui ? Cf. Freud
B) Peut-on maîtriser ses désirs par sa raison ou sa volonté ?
Peut-on alors faire jouer une autre instance dans le moi (la raison, la volonté) pour lutter, canaliser ou réguler ses désirs ? La raison est-elle assez puissante pour résister aux désirs ? On peut défendre plusieurs thèses opposées à ce propos.
Thèse 1 : il faut supprimer tous les désirs en nous, car ils ne sont pas fiables. Cf. les Stoïciens.
Thèse 2 : il faut replacer le désir sous le gouvernement de la raison. Le désir n’est un tyran pour celui qui l’éprouve que si le désir n’est pas subordonné à la raison. C'est ce qu’on appelle le dérèglement de l’âme, ou l’intempérance. Cf. Platon, les trois parties de l’âme.
Thèse 3 : il faut distinguer entre les bons et les mauvais désirs. Epicure propose une classification des désirs.
Thèse 4 : il est illusoire de penser que l’on peut maîtriser ses désirs par la raison, les désirs relèvent d’une instance irrationnelle en nous que l’on ne peut supprimer : l’inconscient chez Freud.
Thèse 5 : le désir est une puissance en nous qu’il ne faut pas amoindrir, c'est ce qui nous meut dans chacune de nos actions : critique de l’idéal ascétique chez Nietzsche.
4Le désir du désir de l’autre
A) Le désir de reconnaissance (Hegel)
L’objet désiré fonctionne souvent comme un signe ou un symbole social : je désire avoir tel objet, non pas tant pour lui-même, mais parce que je crois qu’en l’obtenant, je vais gagner en valeur, en être, en reconnaissance sociale, etc.
Le désir de reconnaissance : Hegel donne une figuration symbolique du conflit qui se produit entre consciences dans la dialectique du maître et de l’esclave.
B) Le désir mimétique (René Girard)
René Girard et la théorie du désir mimétique : le désir n’est pas simplement un rapport entre une personne et un objet, c’est toujours un rapport entre trois instances - moi, l’objet que je désire, et un tiers. Je ne désire un objet que parce qu’une autre personne le désire, ou me le désigne comme désirable.
C) Le désir de l’autre dans l’amour (Levinas)
Le désir ne peut venir que d’un individu déjà comblé par ailleurs, il se distingue du besoin parce qu’il ne découle pas d’un manque (ce n’est pas désirer l’assouvissement de mes pulsions physiques, mais désirer une manière unique d’être au monde). Il est sans cesse renouvelé : « Le désirable ne comble pas mon désir mais le creuse, me nourrissant en quelque manière de nouvelles faims ».