La conscience est un état et une activité de l’esprit qui signifie étymologiquement « avec savoir », ou « savoir avec ». Un être conscient, c’est un être qui se représente avec lucidité son propre état, mais aussi l’ensemble des objets qui l’entourent.
La conscience peut s’opposer :
à l’inconscience, c'est-à-dire l'état dans lequel est une personne qui dort, par exemple, mais aussi un individu imprudent, qui néglige les conséquences de ses actes ;
à la non-conscience, qui caractérise la plante ou n’importe quel objet inanimé ;
à l’inconscient (terme psychanalytique).
Avoir conscience de soi, c’est sentir et savoir que nous sommes les sujets de nos actions comme de nos représentations. On peut alors parler de conscience au sens « cognitif », c’est-à-dire qui a rapport à nos connaissances ; elle se distingue de la conscience de l’être éveillé, qui n’est pas inconscient.
La conscience morale est un sentiment intime de ce qui est bien et de ce qui est mal, qui nous pousse à agir dans un sens moral ou à condamner les conduites qui s’y opposent. C’est le sens « pratique » de la conscience.
B) S’il est sûr que nous savons qui nous sommes, savons-nous pour autant ce que nous sommes ?
La connaissance de soi est présentée dès les origines de la philosophie comme un impératif suprême, dont la formulation la plus célèbre est le « Connais-toi toi-même » inscrit à l’entrée du temple de Delphes.
Conscience de soiet connaissance de soise distinguent comme les deux questions : « qui sommes-nous ? » et « que sommes-nous ? ». Si la conscience de soi semble être un état spontané, naturel, la connaissance de soi en revanche requiert un effort, car il ne me suffit pas de savoir que j’existe en tant qu’individu pour connaître la nature qui me constitue.
Pour autant, conscience de soi et connaissance de soi sont complémentaires : l’une a besoin de l’autre pour s’accomplir entièrement.
C) Que puis-je connaître de moi-même ?
C’est notre existence empirique qui est pour nous le premier moyen d’accéder à ce que nous sommes. Cette existence implique que nous sommes des êtres incarnés, des êtres de chair, qui possèdent un corps capable d’agir et d’éprouver des sensations ou des émotions.
Peut-on pour autant affirmer que nous sommes ce corps qui agit, bien que nous soyons sûrs que ce corps nous appartient ? Notre corps est une réalité matérielle, instable et changeante, comme le sont nos émotions, alors que notre identité demeure malgré les changements.
On peut évoquer deux traitements possibles de ce problème :
soit soutenir avec Descartes que notre âme est d’une nature entièrement distincte du corps, à laquelle nous pouvons accéder par un raisonnement méthodique. L’âme est pourtant susceptible de sentir, d’imaginer, d’être émue : elle n’est pas séparée du corps, elle en est distincte (différente), mais elle lui est unie.
soit affirmer avec Hume que le moi est inconnaissable, ou plus exactement inaccessible à la raison : la raison, en effet, doit toujours s’appuyer sur l’expérience, et cette expérience ne nous livre aucune réalité purement spirituelle, aucun «cogito » qui soit seulement « de la pensée » et pas une réalité que l’on peut sentir.
D) Conscience et action : la question de la conscience morale
« Agir en son âme et conscience », « le poids de la conscience », sont des expressions qui traduisent l’impact que la conscience peut avoir sur nos choix et nos attitudes d’un point de vue moral.
Une personne « inconsciente », cela peut désigner une personne évanouie. Cela peut aussi désigner une personne imprudente, ou quelqu’un qui ignore involontairement ou délibérément les conséquences morales de ses actions.
La conscience est donc aussi ce par quoi nous nous reconnaissons comme des individus moraux aspirant au bien. Rousseau approfondit cette idée dans l’Émile : la raison nous permet seulement de connaître le bien et le mal, sans influencer nos choix à leur égard, tandis que la conscience est ce grâce à quoi nous pouvons aimer le bien, rejeter le mal, et agir en conséquence.
2La conscience de soi comme fondement de toute connaissance possible
A) Pourquoi la conscience de soi est-elle la vérité la plus certaine que nous puissions atteindre ?
La philosophie de Descartes consiste à dégager un fondement absolument certain pour toutes nos connaissances.
Il parvient, au terme d’un raisonnement méthodique, à établir que la seule connaissance dont je ne puisse pas douter, c’est de ma propre existence, qui s’atteste à travers le fait que je suis précisément en train de penser : si je peux douter de tout, c’est que je pense, et si je pense, c’est que je suis. C’est le sens de la formule « je pense donc je suis », cogito ergo sum en latin.
B) Comment rendre raison de la continuité de notre existence et de nos pensées ?
La conscience de soi est aussi la conscience d’être et de demeurer la même personne, identique à travers le temps. Et ce, malgré les changements qui affectent mon corps.
Mais si le corps est le seul support de mon identité, et que lui-même change constamment, qu’est-ce qui garantit que de ma naissance à ma mort, je reste la même personne ? Si je ne suis que mon corps, et que mon corps ne cesse de changer, comment puis-je affirmer que je reste la même personne ?
Locke répond à cette interrogation par la thèse selon laquelle la conscience de nos actions et de nos états présents et passés, conscience elle-même conservée par la mémoire, assure la continuité de l’identité personnelle. L’identité, c’est la conscience de soi, qui est aussi mémoire de soi.
Kant, en revanche, présente le « je pense » comme cequi garantit la cohérence passée et présente de toutes nos représentations, intellectuelles et sensibles, et cette forme se manifeste aussi à travers l’unité de notre pensée.
C) Prendre conscience de soi, est-ce simplement se penser ou se représenter soi-même ?
La phénoménologie insiste sur le fait que la conscience s’éprouve non comme un état stable, mais comme une visée qui porte en elle la possibilité de l’objet perçu, sans laquelle aucune perception réelle ne peut avoir lieu.
« Toute conscience est conscience de quelque chose » : cela signifie que notre conscience ne reçoit pas les objets extérieurs de façon passive (comme l’œil et ce qu’il voit), mais que la conscience est entièrement tendue vers ses possibles objets de connaissance.
La conscience porte en elle la possibilité de l’objet perçu, sans laquelle aucune perception réelle ne peut avoir lieu. La conscience est, en ce sens, intentionnelle et dynamique.
3De la conscience de soi à l’illusion sur soi
A) Se tourner vers soi-même, n’est-ce pas se détourner de la vérité ?
Si l’on peut affirmer que la connaissance de soi mène à la sagesse, il y a des façons de se tourner vers soi qui s’apparentent au narcissisme, et ne conduisent qu’à l’effacement du monde et d’autrui au profit de l’adoration d’une image déformée de ce que nous sommes.
Rousseau dénonce l’amour-propre, à l’origine de la plupart des vices de l’homme moderne, qui est poussé à agir afin qu’autrui l’aime autant qu’il s’aime lui-même.
Pascal invite l’homme égoïste et futile à se regarder réellement tel qu’il est, c’est-à-dire comme un être misérable, pour qu’il abandonne les faux plaisirs que lui offre le divertissement, et se tourne enfin vers Dieu.
B) Sommes-nous les seuls maîtres en la demeure de notre esprit ?
La psychanalyse, ou « psychologie des profondeurs », démontre que la connaissance de soi ne s’articule pas nécessairement avec une parfaite maîtrise de notre esprit et des forces qui le parcourent.
De nombreuses pathologies mentales et autres troubles de la personnalité (névroses) découlent d’une tension non assumée entre le conscient et l'inconscient, autre instance tout aussi déterminante dans la compréhension de notre esprit ou psyché.
Ces tensions trouvent une multitude de moyens de se manifester à la surface de l’activité mentale (lapsus, actes manqués, rêves, voire délires, etc.), mais leur signification n’est jamais explicite, et demande à être analysée (ainsi en va-t-il du « contenu latent » de nos rêves).