A) Une moindre emprise des groupes primaires sur l’individu
« lien social », « cohésion sociale » et « intégration » sont des notions proches : renvoient à l’ensemble des relations et des mécanismes qui font « tenir » la société
on observe depuis la fin du XIXe siècle de nouveaux rapports sociaux qui bouleversent l'ordre traditionnel :
un affaiblissement de l’emprise de la religion sur les représentations
une baisse de l’influence de la famille
un recul du pouvoir des autorités traditionnelles sur les individus
B) L’évolution des formes de solidarité (Émile Durkheim)
Émile Durkheim cherche à expliquer les mécanismes sur lesquels reposent ces nouveaux rapports sociaux
pour lui, le développement de la division sociale du travail est à l’origine de la transformation des sociétés : plus une société se développe, plus elle se spécialise
ce changement de société s'accompagne du passage de la solidarité mécanique à une solidarité organique
la solidarité mécaniquecaractérise les sociétés traditionnelles :
le lien social est fondé sur la ressemblance
la conscience collective domine les consciences individuelles : les individus partagent les mêmes normes, les mêmes valeurs, ce qui assure une cohésion sociale très forte
prédominance du droit répressif (tout comportement déviant est menaçant pour l’existence même du groupe)
la solidarité organique caractérise les sociétés modernes :
le lien social est fondé sur la différenciation : chaque individu, plus autonome, remplit une fonction
il y a complémentarité et interdépendance entre les individus : tous les individus sont indispensables au bon fonctionnement de la société
les consciences individuelles s’émancipent de la conscience collective, l'individu s'affirme
prédominance du droit restitutif, visant à donner réparation plutôt qu’à punir
un risque d’anomie guette la société moderne marquée par l’individualisation croissante
défi : le maintien ou la reconstitution de rapports transversaux entre les individus pour compenser la différenciation accrue
C) Le progrès de l’individualisation
au sein des communautés, l’individu est surtout lié à son groupe primaire, groupe de taille limitée dont tous les membres se connaissent et ont entre eux des rapports directs
dans la société, l’individu multiplie les appartenances à divers « cercles sociaux » (Georg Simmel), ce qui lui permet de réaliser son individualité
il développe ainsi des liens plus personnels et plus contractuels
cependant, l’individualisation peut aussi fragiliser les individus
2L’intégration sociale est-elle en crise ?
A) L’intégration par la famille
la famille, instance fondamentale de la socialisation primaire (qui se déroule pendant l'enfance), est à l’origine du lien de filiation
même si les liens familiaux et les ressources familiales sont inégaux d’un milieu à l’autre, la famille remplit une fonction de solidarité en proposant à ses membres une série de ressources :
affectives et morales
sociales et relationnelles
matérielles et monétaires
depuis le début des années 1970, la famille se recompose :
diminution du nombre de mariages
augmentation du nombre de divorces
nouvelles formes d’alliances
augmentation du nombre de célibataires
la famille a aujourd’hui de multiples visages : familles monoparentales, familles recomposées, familles homoparentales
ces évolutions sont liées à la montée de l’individualisme :
autonomie accrue de chacun de ses membres
famille comme lieu de recherche du bonheur privé
conséquences de la recomposition de la famille sur le rôle intégrateur de cette institution :
la fragilisation des liens conjugaux peut entraîner des difficultés économiques et sociales
cependant, l’entraide familiale recouvre des dimensions variées et donne lieu à des flux de services, des flux de biens et des flux financiers relativement importants
B) L’intégration par l’école
l'école est une instance de socialisation importante :
elle transmet des normes et des valeurs communes, qui forgent la conscience collective
l'école est un lieu d'apprentissage de la vie en collectivité
elle diffuse des savoirs qui permettent l’insertion dans le monde du travail
renforcement du poids de l’école dans le processus d’intégration du fait de la démocratisation des études
l’école est-elle encore un facteur d’intégration ?
difficulté à transmettre une culture commune à des élèves plus hétérogènes sur le plan social et culturel
l’école peut aussi exclure (du fait de sa fonction de sélection) et l’échec scolaire nuit à l’intégration professionnelle
C) L’intégration par le travail
d’après Durkheim, on est passé d’une intégration principalement communautaire à une intégration par le travail dans les sociétés à solidarité organique :
développement après guerre de la société salariale : l’identité sociale se fonde sur le travail salarié plutôt que sur la propriété (cf. Robert Castel)
le travail assure des droits sociaux qui contribuent à la protection des individus face aux risques sociaux (chômage, maladie, accident, etc.)
le travail est un lieu de socialisation important et procure une utilité sociale
par les revenus qu’il procure, il permet d’avoir accès à la consommation qui est une norme de notre société
à partir des années des années 1970, le marché du travail se transforme sous l’effet du ralentissement économique :
développement du chômage de masse
montée des emplois précaires (CDD, intérim, etc.)
individualisation du contrat de travail
ces évolutions remettent en cause l’intégration par le travail
l’expérience du chômage risque d’entraîner un processus cumulatifde rupture des différents types de liens sociaux
D) Le rôle de l’État dans l’intégration : la citoyenneté et la solidarité sociale
l'État contribue à la cohésion sociale en favorisant l'acquisition de la citoyenneté (appartenance à une communauté nationale) et en fournissant un cadre aux citoyens
l’État-providence couvre des risques qui étaient assurés par la famille (chômage, vieillesse, etc.) : construction de nouvelles solidarités fondées sur des liens impersonnels
aujourd’hui, l’État-providence traverse une triple crise (d’après Pierre Rosanvallon) :
crise de financement, qui a pour conséquence une réduction des dépenses publiques
une crise d’efficacité : faible réduction des inégalités, par ex.
une crise de légitimité : remise en cause du rôle de l’État