« Appelez-moi Ishmaël. Il y a quelques années (le nombre exact importe peu), alors que mon porte-monnaie était vide ou presque, et que rien de particulier ne me retenait sur la terre ferme, j’ai eu l’idée de naviguer un peu pour voir la partie maritime du monde. C’est une méthode à moi pour chasser le vague à l’âme et purger le sang. »
Herman Melville, Moby Dick, 1851.
L’ivresse de l’Or
En 1532, le conquistador Francisco Pizarro arrive au Pérou, dans la ville de Cajamalca, avec son armée. Il ne rêve que d'or. Atahualpa est le souverain tout puissant des Incas. La scène est rapportée par l'un des soldats espagnols.
« Ce fut sur le visage d’Atahualpa une expression d’horreur et d’intense réflexion. Il était incapable de croire que l’on puisse racheter quelque chose d’aussi important que la liberté avec un objet d’aussi peu de valeur qu’en avait l’or à ses yeux. L’idée d’acquérir quelque chose avec de l’or devait l’étonner et l’inquiéter au plus profond de son être. À cette heure, en regardant d’un côté les compagnons grisés d’or et de l’autre la figure muette et le visage étonné de l’Inca, je compris pour la première fois combien nous lui étions étrangers, incroyablement, horriblement étrangers. »
Jakob Wassermann, L’Or de Cajamalca, 1928.
Avoir une âme d’esclave ?
L'auteur s'inspire d'un évènement historique, la controverse de Valladolid, un long débat qui eu lieu vers 1550 en Espagne. Il opposait deux partis, l'un prenant la défense des Amérindiens, l'autre celle des conquistadors, sur le sort à réserver aux indigènes.
« SÉPULVÉDA. – Voulez-vous des preuves de l’infériorité des Indiens ? LÉGAT. – Ces preuves sont indispensables. SÉPULVÉDA.. – D’abord, depuis leur découverte, ils se sont montrés incapables de toute invention. Ils sont uniquement habiles à copier les gestes des Espagnols, leurs supérieurs, ce qui caractérise une âme d’esclave. LAS CASAS. – Mais on nous chante une vieille chanson ! César racontait la même chose des Gaulois qu’il asservissait ! Habiles à imiter les techniques romaines ! Et tous les envahisseurs ont fait de même ! César ne voulait pas voir les coutumes, les croyances et même les outils des Gaulois ! Et nous faisons de même ! »
Jean-Claude Carrière, La Controverse de Valladolid, 1992.