l’endettement des agents économiques (État, ménages, entreprises) est un déséquilibre macroéconomique qui peut favoriser la croissance en soutenant la demande globale mais son excès peut être à l’origine de crises financières profondes
ex. : la crise des subprimes (2007) causée par un surendettement de ménages américains est à l’origine de la crise financière de 2008
la stagnation des salaires de la plus grande partie des ménages américains (hausse des inégalités = autre forme de déséquilibre macro-économique) depuis les années 80 était de nature à freiner la croissance compte tenu de l’impact dépressif sur la demande globale
effet dépressif contrebalancé par un accroissement de l’endettement des ménages américains, qui ont ainsi pu soutenir la demande non pas grâce à leur revenu mais grâce à leur endettement
risques de surendettementaccentués par la globalisation financière qui permet d’accéder à des flux de capitaux beaucoup plus importants que par le passé : permet de maintenir des taux d'intérêt très bas (incitations à s’endetter)
le risque de diffusion mondiale des difficultés rencontrées par les ménages américains surrendettés a été augmenté en raison de la globalisation financière et de la mise en œuvre d’innovations financières comme la titrisation qui a eu pour effet de transférer les dettes des ménages américains et les risques associés à des investisseurs du monde entier
tentatives pour résoudre cette crise : relancer la demande globale via un accroissement des dépenses publiques=> surendettement des États (crise des dettes souveraines)
pour beaucoup d’économistes, la tendance au surendettement (et la tendance aux crises financières qui en résulte) est endogène au système économique (provoqué par le fonctionnement normal du système économique) :
lorsque les agents économiques sont peu endettés, ils peuvent facilement s’endetter
la hausse de l’endettement, par la stimulation de la demande globale qu’elle engendre, stimule la croissance, donc les revenus des agents économiques et leur capacité à s’endetter encore plus
ce mécanisme finit par se gripper car :
le développement du climat d’euphorie incite à accroître les prises de risques ce qui pousse les banques à étendre le crédit à des agents moins solvables ou à des projets plus risqués non générateurs de croissance
le ralentissement de la croissance entraîne un ralentissement des revenus, une crainte de surendettement et donc une volonté de se désendetter qui en déprimant la demande ralentit de nouveau la croissance : la spirale déflationniste s’enclenche
lorsqu’au bout d’une période plus ou moins longue le désendettement a baissé, une nouvelle phase d’endettement peut se produire
B) Le problème posé par les comportements mimétiques
comportements mimétiques : imiter les comportements et les anticipations que l’on suppose être ceux des autres ; s’observe fréquemment sur les marchés financiers
les comportements mimétiques peuvent être des stratégies gagnantes
sur les marchés financiers, comme l'a montré J.M. Keynes avec son exemple du concours de Beauté, il vaut mieux avoir tort avec tout le monde que raison tout seul
les anticipations mimétiques sont souvent des prophéties auto-réalisatrices (ex. : quand de nombreux investisseurs croient que le cours d’une action va monter, cela les incite à l’acheter, ce qui entraîne effectivement la hausse de son cours)
les comportements mimétiques peuvent provoquer des bulles financières ou à l’inverse, des krachs financiers (ex. : la croyance partagée qu’un krach va se produire fait advenir le krach, car tout le monde cherche simultanément à vendre ses actifs financiers)
les comportements mimétiques s’observent dans le casdes crises bancaires (bank run), qui sont des phénomènes souvent auto-réalisateurs : de nombreux clients retirent leurs dépôts par crainte que la banque ne devienne insolvable, ce qui peut avoir pour effet de la rendre effectivement insolvable (ex. : Northern Rock, 2008)
C) Le problème de l’aléa moral
risque qu'un agent économique adopte une attitude opportuniste s’il peut dissimuler son comportement ou les vrais motifs de celui-ci et qu’il n’a pas à en assumer les conséquences = aléa moral
aléa moral peut favoriser des prises de risques excessives qui peuvent aggraver l’instabilité propre aux marchés financiers
dans le secteur financier, l’aléa moral peut se rencontrer dans 3 situations :
le système derémunération variable des traders (bonus si bons résultats, absence de malus si mauvais résultats)qui incite à prendre des risques excessifs (ex. : crise de 2008)
la titrisation :transformation de crédits bancaires en obligations, ensuite vendues à des investisseurs sur les marché financiers ; permet aux banques de se décharger du risque de crédit, ce qui les incitent à accorder des crédits même lorsque les ménages ont un risque d’insolvabilité élevé (ex. : crise des subprimes)
les institutions financières «too big to fail » : bénéficient d’une assurance tacite de la part des pouvoirs publics ce qui les incitent à prendre des risques excessifs ; leur faillite risquerait d’entraîner une crise systémique, se propageant à l’ensemble du système financier
2La nécessaire régulation du système financier
A) La mise en place de règles microprudentielles et macroprudentielles
les règles que doivent respecter les banques sont essentiellement microprudentielles et ont pour objectif de limiter le risque de crédit (empêcher que la solvabilité des banques ne soit menacée si une partie des crédits qu’elles ont consenti à leur clientèle n'est pas remboursée)
accords de Bâle I (1988) et Bâle II (2004) ont mis en place des ratios de solvabilité (rapport minimal entre fonds propres et crédits distribués) que doivent respecter les banques
nécessité de développer des règles macroprudentielles pour contenir le risque systémique est aujourd’hui nécessaire
accords de Bâle III (2010) comprennent un embryon de réglementation macroprudentielle (entrée en vigueur d’ici 2019)
établissement (par le Financial Stability Board) de la liste des banques considérées « too big to fail » avec nécessité pour ces banques d’avoir davantage de fonds propres que les autres banques
mise en place de « coussins contracycliques » permettant d’augmenter le niveau des fonds propres que doivent détenir les banques si un emballement du crédit bancaire est constaté par les autorités prudentielles de chaque pays (car excès de crédit bancaire peut favoriser formation bulles financières)
B) Le contrôle des agents soumis à des risques de conflit d’intérêt
les agences de notation (ou agence de rating) évaluent le risque de non remboursement des dettes contractées par les emprunteurs (États, banques, grandes entreprises)
secteur des agences de notation très concentré : les 3 grandes agences de notation internationales (Standard & Poor's, Moody's et Fitch Ratings) contrôlent 90 % du marché de la notation
agences de notation soumises aux risques de conflit d’intérêts puisqu’elles se trouvent dans des situations où elles sont faces à des intérêts multiples qui peuvent entrer en opposition :
payées par l’émetteur du titre qu’elles notent (sauf lorsqu’elles notent les États) => pas forcément d'intérêts à être impartiales, si cela leur permet d’être rémunérées davantage
la réforme de la régulation des agences de notation est en cours
obligation de s’enregistrer auprès du CESR (le Comité européen des régulateurs) qui peut exercer un contrôle sur leur activité
proposition de créer une agence de notation publique, en complément des agences de notation privées en débat au niveau de la Commission européenne
idée de modifier le système de rémunération des agences de notation par le biais d’une taxe sur les activités financières
C) La lutte contre les paradis fiscaux
paradis fiscaux : territoires caractérisés par une fiscalité, une réglementation et une transparence sur les transactions très limitées
de nombreux fonds spéculatifs (hedge funds) profitent de ces avantages pour s’établir sur ces territoires (place off-shore)
paradis fiscaux sont aussi des « paradis réglementaires » :
pas de compte à rendre sur la provenance des fonds qu’ils gèrent
pas tenus de respecter des ratios de solvabilité permettant de limiter les prises de risques excessives
une plus grande stabilité financière au niveau mondial nécessite donc de lutter contre les paradis fiscaux