1Le monopole et la concurrence imparfaite entraînent un pouvoir de marché
A) Dans le modèle de la concurrence pure et parfaite les entreprises n’ont pas de pouvoir de marché
modèle de la concurrence pure et parfaite : représentation simplifiée de l’économie permettant de comprendre un certain nombre de phénomènes économiques
ex. : fixation du prix sur un marché par confrontation entre l’offre et la demande
5 hypothèses du modèle de la concurrence pure et parfaite :
atomicité du marché : grand nombre d’offreurs et de demandeurs aboutissant à ce qu’aucune entreprise ne soit en mesure d’influencer le prix du marché
homogénéité des produits : produits identiques sur le marché où la concurrence s’effectue uniquement par les prix
libre entrée sur le marché (ou fluidité) : tous les offreurs et tous les demandeurs peuvent entrer librement sur le marché ; il n’y a pas de barrières à l’entrée
transparencedu marché : les offreurs et les demandeurs ont accès à toutes les informations nécessaires pour effectuer leurs choix de production ou de consommation dans des conditions optimales
parfaite mobilité des facteurs de production : le travail et le capital peuvent librement se diriger vers les activités les plus rémunératrices
cependant, la plupart des marchés ne respectent pas toutes ces hypothèses : la concurrence est presque toujours imparfaite
B) Dans la réalité les entreprises ont presque toujours un pouvoir de marché
en concurrence pure et parfaite, le prix résulte de la confrontation entre de nombreuses offres et demandes : il est fixé par le marché
si une entreprise décide de vendre à un prix supérieur à celui du marché, elle perdra tous ses clients qui s’adresseront aux entreprises concurrentes
en concurrence pure et parfaite les entreprises sont preneuses de prix (price taker)
enconcurrence imparfaite (concurrence monopolistique, oligopole) et en situation de monopole, les entreprises sont faiseuses de prix (price maker) ; elles ont un pouvoir de marché, c'est-à-dire une capacité à imposer un prix de vente plus élevé que celui qui serait obtenu en situation de concurrence
en situation de concurrence monopolistique, les entreprises ont un relatif pouvoir de marché car elles différencient leurs produits :
ex. : une pizzeria dans une rue remplie de restaurants peut augmenter légèrement le prix de ses pizzas sans que la totalité de ses clients se rabattent sur la consommation de kebabs ou de hamburgers, car pizzas, kebabs et hamburgers ne sont pas totalement substituables en raison des goûts différents des consommateurs
en situation d’oligopole, les entreprises peuvent être incitées à créer des cartels (= s’entendre de façon à ne pas se faire concurrence) et ainsi fixer des prix de vente plus élevés que ceux qui seraient obtenus en situation de concurrence (interdits par les pouvoirs publics)
en situation de monopole, le producteur peut augmenter son prix tout en conservant une grande partie de sa clientèle car les biens et services produits n'ont pas de substituts proches sur le marché
l'élasticité-prix des biens et services produits par le monopole est faible : les variations des prix modifient très peu le niveau de la consommation car les consommateurs ne peuvent pas « faire jouer la concurrence »
Transition : on distingue 4 structures de marché (concurrence pure et parfaite, concurrence monopolistique, oligopole et monopole). Le but de la majorité des entreprises est de maximiser leurs profits. Un moyen d’y parvenir est d’accroître leur pouvoir de marché en s'éloignant de la situation de concurrence pure et parfaite.
2Différentes stratégies permettent d'accroître le pouvoir de marché des entreprises
A) Le développement de barrières à l’entrée
les barrières à l’entrée se rencontrent en situation de monopole et d’oligopole
une distinction est faite entre barrières structurelles et barrières stratégiques
les barrières structurelles sont la conséquence d’une caractéristique du marché et peuvent se rencontrer dans plusieurs cas :
existence d’économies d’échelle (liées à la présence de coûts fixes élevés) favorisant l’apparition de monopole naturel (cf schéma)
existence de monopoles légaux attribués par les pouvoirs publics à certaines entreprises dans certains secteurs d’activité (ex. : la distribution du courrier par la Poste avant 2011)
information imparfaite des consommateurs sur la qualité des nouveaux produits (ex. : les lecteurs préféreront acheter un roman d’un écrivain qui a obtenu le prix Goncourt et dont la réputation est déjà établie que celui d’un auteur inconnu)
les barrières stratégiques, intentionnellement mises en place par les entreprises, peuvent se rencontrer dans plusieurs cas :
fixation de prix prédateurs (ex. : le Groupe Amaury (journal l’Équipe) condamné, en 2014, à une amende de 3,5 millions d’euros par l'Autorité de la concurrence pour avoir édité un journal low cost, en 2009, de façon à éliminer le journal concurrent 10 Sport)
développement de capacités de production excédentaires pour signaler son pouvoir d’augmenter fortement la production et ainsi dissuader d’autres entreprises d’entrer sur le marché
dépôt de brevets grâce à la stratégie de R&D pour avoir un monopole temporaire sur la commercialisation d’innovations (monopole d’innovation)
accords d’exclusivité (ex. : entre Orange et Apple pour la vente de l’Iphone avant que l’Autorité de la concurrence ne dénonce cet accord en 2009)
acquisition d’une ressource rare de façon quasi exclusive (ex. : entreprise De Beers qui contrôle la majeure partie de la production de diamants)
B) La création de cartels
un cartel de producteurs est une entente entre firmes pour limiter la concurrence
l’objectif du cartel est de devenir price maker et donc d’acquérir un pouvoir de marché
les cartels se rencontrent dans les structures de marchés oligopolistiques (= nombre d’offreurs réduit)
ils sont généralement interdits par les pouvoirs publics, ex. : cartel des lessives (Unilever, Procter & Gamble, Henkel et Colgate-Palmolive) auquel l’Autorité de la Concurrence a infligé une amende de 361 millions d’euros en 2011
C) Les fusions-acquisitions
la fusion-acquisition correspond à l’achat d’une entreprise par une autre,ex. : fusion entre Air France et KLM en 2003
c'est une opération de concentration car elle réduit le nombre d’entreprises sur le marché
objectif : se rapprocher d’une situation de monopole pour accroître son pouvoir de marché
elles sont encadrées par les pouvoirs publics qui peuvent chercher à maintenir un niveau de concurrence élevé sur le marché (cf chapitre 4)
D) La différenciation des produits
la différenciation des produits (que l'on rencontre en concurrence monopolistique) permet d’acquérir un pouvoir de marché :
elle peut être horizontale (caractéristiques différentes mais qualité identique)
elle peut être verticale (caractéristiques différentes notamment en termes de qualité), la publicité jouant alors un rôle très important pour promouvoir la qualité du produit, reposant parfois sur des critères subjectifs (ex. : design, image de marque)
Transition : pour une entreprise, se rapprocher d’une situation de monopole présente un intérêt. Cela lui permet d’obtenir un pouvoir de marché très élevé et d’augmenter ses profits. Pour exploiter au mieux son pouvoir de marché, l’entreprise peut chercher à mettre en place une politique de discrimination par les prix.
3La discrimination par les prix : un moyen d’optimiser l’avantage procuré par le pouvoir de marché
A) La discrimination par les prix : un moyen de maximiser le profit de certaines entreprises
discrimination par les prix : pratique de prix différents selon le type de consommateurs ou selon les quantités achetées (ex. : acheter en grande quantité revient souvent moins cher qu’acheter à l’unité)
elle se rencontre en situation de monopole (monopole discriminant), d’oligopole et de concurrence monopolistique (mais pas en situation de concurrence pure et parfaite)
l’entreprise maximise son profit si elle parvient à faire payer un prix élevéaux consommateurs dont l’élasticité-prix est faible (consommateurs peu sensibles au prix) et un prix plus faibleaux consommateurs dont l’élasticité-prix est forte (consommateurs sensibles aux prix) :
ex. : la SNCF (monopole discriminant) propose des tarifs plus faibles pour les 12-25 ans et pour les familles nombreuses
ex. : les soldes permettent aux entreprises d’attirer des consommateurs très sensibles aux prix (consommateurs à élasticité-prix forte) qui sont moins fréquents dans les magasins en dehors de cette période
la discrimination par les prix peut être plus ou moins masquée car elle se conjugue souvent avec une différenciation des produits :
ex. : dans un avion, la différence de prix entre la classe affaires et la classe économique résulte à la fois :
d’une différenciation de produits justifiant une différence de prix : il est plus confortable de voyager en classe affaires qu’en classe économique
d’une discrimination par les prix : les voyageurs de la classe affaires sont moins sensibles aux prix et acceptent donc plus facilement un prix élevé
B) Les limites à la discrimination par les prix
capacité limitée de l’entreprise à identifier le prix maximum que chaque catégorie de consommateurs est disposée à payer : études de marché coûteuses et insuffisamment précises
développement d'un système d'achat/revente risquant de réduire le profit de l'entreprise : les consommateurs, auxquels le bien est proposé à faible prix, sont incités à le revendre aux consommateurs auxquels le bien est proposé à un prix élevé
ex. : si une voiture coûte moins cher à l'étranger qu'en France, il devient intéressant de l'acheter à l'étranger et de la revendre en France
risque de fraude pour changer de catégorie de consommateurs(ex. : utilisation d’une fausse carte d'étudiant pour bénéficier des tarifs étudiants)
Bilan : Les entreprises cherchent à accroître leurs profits en s’éloignant des situations de concurrence. Elles acquièrent alors un pouvoir de marché. La discrimination par les prix leur permet d’exploiter au mieux leur pouvoir de marché. Ce pouvoir de marché risque de déséquilibrer le rapport de force entre producteurs et consommateurs. Une politique de la concurrence est donc nécessaire pour protéger les intérêts des consommateurs.