1L'empire français au moment de l'exposition coloniale de 1931, réalités, représentations et contestations
A) En métropole, le colonialisme a une image positive
1931 : l’exposition coloniale célèbre un empire français de plus de 12 millions de km2 et de 60 millions d’habitants ; c’est une œuvre de propagande dont les objectifs sont :
de montrer l’intérêt économique et commercial de la colonisation : pavillons des grandes entreprises
de faire la promotion de la « mission civilisatrice » française dans ses colonies : des indigènes sont montrés à plus de 8 millions de visiteurs par les représentants des missions catholiques et protestantes
de mettre en compétition les deux plus grands empires coloniaux
la propagandecoloniale est transmise à l’école et dans l’opinion publique :
consensus colonialiste au sein du gouvernement, dans les élites économiques, dans les partis politiques de droite et de gauche
les écoliers français apprennent l’immensité de l’empire et l’importance de la colonisation
le cinéma, la publicité, les journaux, les médias, l’art, la littérature vantent le colonialisme et une vision exotique des colonies
en 1919, la France récupère les colonies allemandes : cela alimente la propagande républicaine et le patriotisme dans l’opinion publique
B) Dans les colonies, les intérêts français passent avant ceux des colonisés
des modes d’administration variables selon les colonies :
administration indirecte par l’intermédiaire des gouvernements colonisés, maintenus en place et dirigés par les Français dans les protectorats (Maroc, Tunisie, Cambodge)
administration directe par des fonctionnaires et gouverneurs français dans les autres colonies : Afrique Occidentale Française (AOF), l’Afrique Équatoriale Française (AEF), Indochine
l’Algérie, colonie de peuplement composée de trois départements
des ressources exploitées pour les besoins de la métropole :
peu d’investissements dans les infrastructures, sauf celles qui permettent d’exporter les productions vers la métropole (routes, chemins de fer, ports)
économie de pillage des ressources ; développement des plantations et exploitations minières, propriété de colons
pas de véritable développement économique des colonies : les colonies sont des débouchés pour les produits fabriqués par les industries françaises
des sociétés coloniales inégalitaires dominées par les colons
règle de l’assimilation : les colonisés ont des droits minimes et inférieurs aux colons (code de l’indigénat depuis 1881)
travail forcé et conditions de vie difficiles pour la majorité des colonisés ; mais aussi développement d’une bourgeoisie indigène proche de l’administration coloniale (marchands, propriétaires fonciers)
rôle limité de l’école (former des cadres indigènes pour l’administration locale, acculturation)
développement des villes coloniales avec des quartiers réservés aux colons
C) La montée de l’anticolonialisme
en métropole, les opposants à la colonisation sont minoritaires :
le Parti communiste français considère la colonisation comme « un impérialisme qui opprime les peuples » et forme de futurs leaders de mouvements indépendantistes
des intellectuels français dont les surréalistes s’opposent à la propagande coloniale : promotion de « l’art nègre »
dans les colonies, montée des contestations :
les soldats des colonies qui ont combattu avec les soldats de métropole témoignent de la violence des combats ; remise en cause de la supériorité morale des blancs
les jeunes formés dans les écoles coloniales ou en métropole ont appris les droits de l’homme, les idéaux et valeurs démocratiques et remettent en cause le système colonial. Ex. : Aimé Césaire
les premières revendications demandent la suppression du code de l’indigénat et réclament plus d’égalité
devant le refus des colons, de l’administration coloniale et du gouvernement, des mouvements indépendantistes se développent. Ex. : 1927, Messali Hadj demande l’indépendance de l’Algérie ; 1934, Néo-Destour de Bourguiba en Tunisie
2La guerre d'Algérie
A) Un contexte particulier qui entraîne la radicalisation du mouvement nationaliste et la montée des violences
un statut à part : colonie de peuplement conquise en 1830, composée de départements français
une société profondément inégalitaire :
env. 1 million de pieds-noirs descendants des colons européens : contrôle des meilleures terres agricoles, de l’économie, de l’administration ; citoyens français avec les mêmes droits que les métropolitains
150 000 Juifs, citoyens depuis 1870
9 millions d’Arabes et de Kabyles, majoritaires : peu de libertés et de droits politiques (code de l’indigénat)
la radicalisation progressive du mouvement indépendantiste algérien s'affirme dans l’entre deux guerres :
8 mai 1945 : répression sanglante des violentes émeutes nationalistes de Sétif et Guelma
échec des réformes (statut de 1947) : des Algériens citoyens mais toujours un malaise social et des inégalités
défaite française en Indochine, contexte international favorable à la décolonisation
le début de l’insurrection armée :
1er novembre 1954, « Toussaint rouge » : attentats de l’Armée de libération nationale (ALN) contre des objectifs militaires et policiers ; répression policière
août 1955 : massacres d’Européens et de partisans de l’Algérie française dans le Constantinois ; violente répression
1956 : échec de la tentative de négociation du président Guy Mollet ; envoi du contingent pour mettre fin aux « évènements »
B) De la politique de « maintien de l’ordre » à la guerre de décolonisation
en Algérie, les exactions se multiplient dans les deux camps
ALN : action de guérilla dans les campagnes contre l’armée, attentats contre les pieds-noirs et contre les musulmans partisans de l’Algérie française
éliminationpar le FLN des organisations politiques rivales (MNA de Messali Hadj)
Armée française : opérations militaires, déplacements de villages pour couper le FLN de ses soutiens locaux, etc.
1957, « bataille d’Alger » : le général Massu et ses parachutistes « pacifient » la ville dans la violence ; multiplication des arrestations, recours à la torture
le conflit s’étend jusqu’en métropole
de plus en plus d’appelés du contingent partent en Algérie
propagande indépendantiste pour recruter de plus en plus de partisans en France
17 octobre 1961 : massacre à la suite d’une manifestation des « Français musulmans d'Algérie » à Paris
prise de conscience progressive des Français sur la gravité de la situation : déchirement de l’opinion publique en deux camps (rôle des intellectuels dans la dénonciation de la torture notamment), inquiétude face à l’enlisement du conflit
la crise politique de la IVe République est aggravée par la guerre
C) Un processus d’indépendance long et douloureux
rappel de De Gaulle au pouvoir :
soulèvement de pieds-noirs à Alger, installation d’un Comité de salut public présidé par le général Massu
1er juin 1958 : De Gaulle investi par l’Assemblée nationale ; fin de la IVe République
De Gaulle fait peu à peu reconnaître l’indépendance de l’Algérie en France
1959 : paroxysme de la guerre avec le plan Challe
sept. 1959 : De Gaulle propose aux Algériens l’autodétermination
1960 à 1962 : multiplication des attentats et création de l’OAS
janv. 1961 : référendum sur l’autodétermination ; en métropole, 75 % de oui pour l’autodétermination
avril 1961 : échec à Alger d’un putsch de généraux en faveur de l’Algérie française
18 mars 1962 : signature des accords d’Évian ; la France reconnaît l’indépendance de l’Algérie
de lourdes conséquences dans les deux pays :
plus de 25 000 soldats français et plus de 300 000 Algériens tués (estimation la qui fait débat)
fuite de près d’1 million de pieds-noirs vers la métropole
massacre en Algérie de milliers de harkis
pour 1,3 million de soldats français et pour tous ceux qui l’ont vécue : vivre avec le souvenir de cette « sale guerre »
la guerre des mémoires : la France ne reconnaît officiellement la guerre d’Algérie qu’en 1999 ; des mémoires qui s’opposent (harkis, pieds-noirs, Algériens, etc.)
victoire du FLN qui a éliminé tous ses opposants mais bilan lourd (milliers de morts, économie et État désorganisés) et reconstruction retardée par les luttes internes du FLN