l’humanisme est une philosophie qui place l’homme et ses valeurs au centre de sa réflexion et qui vise à l’épanouissement des qualités humaines
au sens historique : mouvement intellectuel européen de la Renaissance caractérisé par le retour à la culture antique et par la foi en l’homme
mouvement qui s’exprime dans divers domaines : littérature, religion, politique, art
les humanistes sont convaincus de vivre une époque nouvelle après le Moyen-Âge, considéré comme une époque d’obscurantisme
contexte historique favorable :
la chute de Constantinople (1453) entraîne la fuite des intellectuels byzantins vers l’Italie : redécouverte des œuvres des Anciens (auteurs de l’Antiquité grecque et latine) qui se répandent en France et dans toute l’Europe
l’imprimerie permet la diffusion des livres
remise en question de la scolastique (l’enseignement médiéval) et recherche d'une autre pédagogie
rôle de François Ier(1494-1547) dans le développement des arts et des lettres en France. Ex. : Léonard de Vinci à la cour ; création de ce qui deviendra le Collège de France
B) La méthode humaniste
retour à la source des textes :la lecture précise et familière des textes antiques (Platon, Plutarque, Sénèque, Ovide, Homère, etc.) qui suppose une maîtrise parfaite du grec et du latin
volonté de rivaliser avec les Anciens, retour vers une période considérée comme un âge d’or : les idées et les arts s’inspirent de l’Antiquité ; les humanistes s'imprègnent de cette culture pour produire des œuvres personnelles
promotion de la langue française : la Pléiade se donne pour mission de fonder une littérature française comparable à celles de l’Antiquité. Cf. Défense et Illustration de la langue française de Du Bellay, manifeste au service de la gloire de la littérature et de la langue française
l’imitation des Anciens (références à l’Antiquité, thèmes de la femme inspiratrice, du Carpe diem d’Horace et de la Rome antique, inspiration puisée dans les formes poétiques anciennes) va de pair avec le renouvellement (enrichir la langue française, renouveler les formes avec le sonnet)
C) Une nouvelle manière de voir l’homme et le monde
la diffusion d’idées nouvelles se fait grâce aux échanges entre les intellectuels européens
vision de l’homme : l’homme au centre de tout ; une place nouvelle est accordée à l’homme en général dans l’univers et dans la cité : il s’agit d’embrasser l’univers tout entier, de repenser le cosmos et la grandeur de la création divine ; interrogation sur les différences culturelles et les moyens de perfectionner l’Homme
vision du monde : les sciences et les techniques se développent, c’est l’époque des grandes découvertes ; le Nouveau Monde devient promesse d’ouverture
2Valeurs et thèmes fondateurs
A) Les valeurs
remettre l’homme au centre de tous les domaines du savoir : corps de l’homme est au cœur des recherches artistiques : la sculpture, la peinture se réfèrent à l’anatomie (dissections d’Ambroise Paré), comme les œuvres de Michel-Ange et Léonard de Vinci
accès direct au savoir : l’appétit de connaissances caractérise l’humanisme ; cet accès s’effectue par le livre, mais également par le biais des voyages, les étudiants partent à l’étranger et se confrontent directement à la diversité et au mélange des cultures
la quête d’une morale nouvelle qui mêle sagesse païenne et foi chrétienne ; Humanisme et Réforme : l’évangélisme, toléré par François Ier dans un contexte tendu, propose une réflexion sur la religion et participe à cette quête d’une morale chrétienne
B) Les thèmes
l’éducation :
éducation des enfants :
s’adapter à l'élève et à son rythme, se détacher des méthodes médiévales et associer le bien-être du corps à celui de l’esprit
réflexion sur les manières de transmettre le savoir, importance d’un précepteur considéré non plus uniquement comme homme de connaissances mais comme un homme capable de faire acquérir à son élève des savoirs qui font sens et des connaissances apprises par soi-même (Éducation de Gargantua, Rabelais ; « De l’éducation », Montaigne)
éducation du prince :
Le Prince (1532) de Machiavel : œuvre essentielle où l’auteur part des réalités contemporaines pour définir un « ordre nouveau » qui recherche l’amélioration de l’homme et de la société
Machiavel définit l’attitude idéale du politique
Rabelais, avec Gargantua (1534), met en avant la figure du prince avec ses caractéristiques (valeur militaire, honneur, grandeur morale, piété, fermeté)
le Prince a pour idéal la paix (condamnation de la guerre offensive, mais non défensive) ; Rabelais reprend des éléments du contexte guerrier européen (Charles Quint François1er) dans les combats qui opposent Gargantua à Picrochole
société idéale : une réflexion s’engage sur le mode de l’utopie.
Thomas More, auteur anglais, écrit en latin L’Utopie (1516), inspirée du mythe platonicien de la cité idéale ; il décrit une île imaginaire où règnent la justice et l’égalité
Rabelais fait référence à More en faisant écrire Gargantua à son fils Pantagruel de la ville d’Utopie (Pantagruel, VIII), et crée aussi une société idéale avec l’abbaye de Thélème, cadeau de Gargantua à Frère Jean en récompense de ses exploits guerriers ; le fonctionnement de cette abbaye prend le contre-pied des règles monacales de l’époque (fermeture, séparation des sexes, rigueur) et propose un endroit ouvert où hommes et femmes bien nés et guidés par « l’aiguillon » de la vertu vivent librement à l’image de la devise de Thélème « Fais ce que voudras », orientée vers le Bien sans menace ni contraintes
le voyage comme ouverture à l’Autre : grandes découvertes, Nouveau Monde, ethnocentrisme remis en cause (les européens sont obligés de repenser leur représentation du monde et de revoir leur place dans ce monde)
récits de voyage de Jean de Léry en (1578) et d'André Thevet (1557) : confrontation à l’Autre, descriptions des « sauvages » qui, bien que différents, sont considérés comme des hommes
Montaigne fait l’éloge du voyage qui permet de percevoir la relativité des coutumes à travers la découverte de l’autre, l’échange mais également comme miroir tendu pour réfléchir sur soi et ouvrir à la tolérance : « On dit bien vrai qu’un honnête homme c’est un homme mêlé » (Les Essais)
C) Les deux humanismes
l’humanisme recouvre une longue période, ponctuée d'événements historiques graves qui ont bouleversé les consciences :
les guerres de religion (conflit entre protestants et catholiques) s’accompagnent de conflits entre les princes rivaux
ces guerres civiles posent des questions essentielles (autorité du souverain, autorité du religieux, tyrannie, etc.) et le mouvement humaniste ne cesse de s’interroger entre un idéal moral et le constat des faiblesses humaines
Érasme, dans son Éloge de la folie (1509) dénonce les abus des hommes d’Église et relève les incohérences du comportement humain
l’homme est pris entre la nostalgie d’un âge d’or passé et l’espérance d’utopies à fonder :
en se confrontant aux réalités historiques, les espoirs, l’optimisme, la foi en l’homme et l’élan de la Renaissance sont ternisvoirecontredits par les tragédies de l’époque
ainsi deux poètes s’opposent dans des écrits sombres et remplis des cruautés de l’époque : le catholique Ronsard, Discours sur les misères de ce temps et le protestant Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques
3Deux figures incontournables : Rabelais et Montaigne
A) Rabelais (1494-1553)
le gigantisme :
Gargantua et Pantagruel évoquent les aventures de deux géants confrontés à des questions d’ordre pédagogique, religieux, militaire, social
le thème du gigantisme représente l’idéal spirituel et les ambitions intellectuelles de son temps
les géants figurent l’homme dans le pouvoir qu’il a sur la nature et la puissance
Rabelais s’adresse à un public populaire et au public lettré des humanistes
l’humanisme :
symbolise en matière d’éducation l’idéal d’un savoir total :
l’enseignement comporte toutes les disciplines, l’étude des textes sacrés, les exercices du corps et des armes
la pédagogie fondée sur la réflexion et la pratique plus que sur la mémorisation, la place faite à l’hygiène traduisent la nouveauté de l’éducation humaniste (voir la célèbre lettre de Gargantua à son fils, Pantagruel, chap. VIII)
le précepteur Ponocrates a pour but de faire acquérir à son élève des savoirs par lui-même et qui font sens
l’épisode de la guerre picrocholine souligne l’absurdité des guerres de conquête et ne justifie que la guerre défensive ; l’importance des voyages est représentative de la pensée humaniste comme ouverture à d’autres sociétés et quête de la vérité humaine
le comique, lié au gigantisme, utilise la démesure, le contraste, l’effet de grossissement, l’hyperbole et la caricature
dans la veine du comique populaire, Rabelais explore la farce et l’esprit de gauloiserie (les plaisanteries de Panurge et Frère Jean ou Gargantua)
le style de Rabelais est varié, alternance entre dialogues quotidiens et discours rhétoriques, jeux de mots, listes (voir les différentes façons de qualifier le « couillon », Tiers Livre) ; les jeux sur les mots et les sonorités participent d’une grande fantaisie
Rabelais, en marge des institutions, traite de manière souvent irrespectueuse des sujets sérieux et invite son lecteur à réfléchir
B) Montaigne (1533-1592)
l’inventeur d’une forme : l’essai
trois livres écrits au fil de la plume « à sauts et à gambades », grande liberté, nombreux emprunts aux auteurs de l’Antiquité gréco-latine
une réflexion personnelle, sans souci d’objectivité ni euphorie
thèmes importants : l’éducation, le voyage, l’amitié, la mort
Montaigne le sceptique ?
les désillusions d’un humaniste face aux tragédies de son temps : dénonce l’extermination des Indiens en Amérique, dénonce le recours à la torture
la réflexion sur la barbarie à partir des guerres de religion et de la pratique du cannibalisme par les Américains : « Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. ». Montaigne compare les anthropophages aux acteurs des guerres européennes ; pour lui, l’ethnocentrisme européen doit être remis en cause : avant de juger le degré d’humanité de ceux qu’on appelle les « sauvages », l’Europe doit réfléchir à sa propre sauvagerie
notion essentielle de « relativisme culturel »
Les Essais (1680, 1688, 1695) nous montrent la réflexion d’un homme qui a changé ; mais Montaigne n’enlève rien, il procède par ajouts au fil des réécritures ; aucun remaniement, des contradictions laissées qui permettent au lecteur d’exercer son jugement