repose sur le souvenir vécu d'une période ou d'un événement, tel qu'un individu ou un groupe se le remémore : prisme de la construction de celui qui se souvient, relève d'une expérience individuelle
forte charge émotionnelle
la mémoire n'est pas objective : elle est sélective, elle déforme les faits ; le porteur de mémoire a une vision par définition subjective du passé, impossibilité d'un témoignage neutre
la mémoire n'est pas linéaire : elle suppose des phases d'oubli, d'amnésie, une revitalisation en fonction des enjeux du présent
l'histoire :
volonté de comprendre un phénomène ou un événement passé par une démarche scientifique
exigence d'objectivité : reconstitution et lecture du passé à partir de plusieurs sources ; la méthode historique permet la mise à distance des mémoires
analyse critique des sources, croisement de données
B) L'historien face aux mémoires
les mémoires sont une des sources de l'historien : importance des témoignages pour l'historien de la période contemporaine
compétition entre l'histoire et la mémoire :
d'un côté, explication et recherche des faits ; de l'autre, fidélité à des souvenirs
des groupes de mémoire peuvent exercer des pressions sur le travail des historiens
les enjeux mémoriels et les usages politiques de la mémoire :
le « devoir de mémoire », terme apparu dans les années 1990 dans le contexte des réflexions sur la Seconde Guerre mondiale
les politiques mémorielles s'impriment dans l'espace (plaques, mémoriaux, noms de rues, d'établissements scolaires, etc.) et dans le temps (journées de commémoration)
les lois mémorielles : l’intervention du Parlement français dans l’écriture de l’histoire pose la question du rôle social de l'historien et de l’autonomie de l’histoire par rapport aux mémoires
l'historien doit-il travailler en fonctions des attentes sociales du présent ?
2L'historien et les mémoires de la guerre d'Algérie en France
A) L’oubli officiel des « événements » d’Algérie (1962-1970)
dès le début de l'insurrection en novembre 1954 (« Toussaint rouge »), refus d'utiliser le terme de « guerre » : on parle de « maintien de l'ordre » ou de « pacification » ou des « événements »
le conflit trouve un écho important en métropole : l’opinion publique est profondément divisée
une mémoire de vaincus :
les appelés gardent le silence sur une guerre subie, souvenir de la violence et des exactions commises (utilisation de la torture, massacres)
la perte du prestige colonial
la mémoire douloureuse des harkis : sentiment d'abandon, de trahison
l'arrivée des pieds-noirs
une guerre « ensevelie » (Benjamin Stora), amnésie officielle :
dès 1962, les lois d'amnistie accordent l'impunité à tous les combattants ; lois d'amnistie pour les membres de l'OAS en 1968
silence officiel sur la répréssion très violente du 17 octobre 1961
B) L'émergence des mémoires de la guerre d'Algérie dans le débat public (1970-1990)
des groupes de mémoire cherchent à faire entendre leur voix :
les rapatriés d’Algérie : « nostalgérie », mémoire du pays perdu, idéalisé
les harkis : mémoire douloureuse du départ de l’Algérie pour échapper au FLN et de l’accueil en France après la guerre ; les enfants de harkis se mobilisent et alertent l'État sur les conditions de vie de leurs parents et le manque de reconnaissance
dans un contexte de montée de l'extrême-droite, la marche « pour l’égalité et contre le racisme » ou « marche des Beurs » rassemble 100 000 personnes en 1983, majoritairement d'origine immigrée
normalisation des relations entre la France et l'Algérie dans les années 1980
C) L'historien face à une question qui reste sensible
l'ouverture des archives permet le passage de la mémoire à l'histoire
les travaux des historiens Vidal-Naquet et Harbi, puis Stora : établir des faits, analyser les déformations de la mémoire par rapport aux faits
la guerre civile algérienne réactive la mémoire de la guerre d'Algérie dans les années 1990-2000
les mémoires de la guerre restent un enjeu diplomatique entre la France et l'Algérie
la « guerre d’Algérie » est reconnue officiellement en 1999
la controverse autour de la date de commémoration de la fin de la guerre : des dates de commémorations différentes entre la France et l’Algérie
la reconnaissance officielle du massacre du 17 octobre 1961
l’enjeu des excuses officielles
l'historien face aux débats autour des « aspects positifs de la présence française outre-mer » en 2005
3Les mémoires algériennes de la guerre d'Algérie
A) L’instrumentalisation de la mémoire par le nouveau régime algérien
la guerre (appelée « révolution ») est considérée comme une guerre d'indépendance, l'acte de naissance de l'Algérie souveraine
pour consolider sa légitimité, le FLN au pouvoir produit une mémoire officielle de la guerre :
le mythe du peuple en armes, héros de l’indépendance
les divisions internes du FLN, parti unique à partir de 1965, sont gommées
les autres figures du nationalisme algérien sont écartées de la mémoire officielle
l’oubli ou la minoration des épisodes troubles : le massacre d’Oran
cette histoire officielle, entièrement contrôlée par l'État, est relayée par l'école
B) La remise en cause du récit officiel
dans les années 1980, collecte de témoignages par le FLN mais la réécriture de l'histoire officielle reste fortement contrôlée par l'État
construction du monument aux martyrs de la guerre d'indépendance à Alger en 1982
première chaire d'histoire contemporaine à l'Université d'Alger en 1992
des entraves encore nombreuses au travail des historiens : difficulté d'accès aux archives, problèmes de financement, etc.