repose sur le souvenir vécu d'une période ou d'un événement, tel qu'un individu ou un groupe se le remémore : reconstruction de celui qui se souvient
forte charge émotionnelle, rapport affectif au passé
la mémoire est sélective, elle déforme les faits ; le porteur de mémoire a une vision par définition subjective du passé, impossibilité d'un témoignage objectif, neutre
la mémoire suppose des phases d'oubli, d'amnésie, une revitalisation en fonction des enjeux du présent
l'histoire :
volonté de comprendre un phénomène ou un événement passé par une démarche scientifique
exigence d'objectivité : reconstitution et lecture du passé à partir de plusieurs sources ; la méthode de l'historien permet la mise à distance des faits et des mémoires
analyse critique des sources, croisement de données
B) L'historien face aux mémoires
les mémoires sont une des sources de l'historien : importance des témoignages pour l'historien de la période contemporaine
compétition entre l'histoire et la mémoire :
d'un côté, explication et recherche des faits ; de l'autre, fidélité à des souvenirs
des groupes de mémoire peuvent exercer des pressions sur le travail des historiens
les enjeux mémoriels et les usages politiques de la mémoire :
le « devoir de mémoire », terme apparu dans les années 1990 dans le contexte des réflexions sur la Seconde Guerre mondiale
les politiques mémorielles s'impriment dans l'espace (plaques, mémoriaux, noms de rues, d'établissements scolaires, etc.) et dans le temps (journées de commémoration)
l’intervention du Parlement français dans l’écriture de l’histoire (lois mémorielles) pose la question de l’autonomie de l’histoire par rapport aux mémoires : l'historien doit-il travailler en fonction des attentes sociales du présent ?
2Une « mémoire désunie » (1945-années 1950)
A) La Libération
une « mémoire désunie » (Olivier Wieviorka) : des expériences de la guerre plurielles (prisonniers de guerre, résistants, STO, etc.)
de nombreuses célébrations de la Libération : souvenir-écran de la Libération, difficulté à penser la réalité de la collaboration
B) Les épurations spontanées et l’épuration légale
une épuration spontanée puis légale :
des tribunaux condamnent les collaborateurs et délateurs (1 Français sur 10 concerné par l’épuration)
exécution de Laval en octobre 1945 ; procès de Pétain, condamné à mort, puis dont la peine est commuée en prison à perpétuité par le général de Gaulle
vote des lois d’amnistie (1946-1947, 1951-1953) après de violents débats : politique de l’oubli, volonté de faire taire les divisions, refoulementdu souvenir de Vichy
C) Le silence sur la déportation des Juifs
la spécificité de la Shoah n’est pas reconnue : à la différence des déportés politiques, les déportés raciaux ne sont pas des « victimes officielles »
une communauté juive abasourdie par l’atrocité des camps et l’ampleur de la Shoah
3L'émergence des mémoires de la Seconde Guerre mondiale (années 1950-1990)
A) L’hégémonie du mythe résistancialiste
le « résistancialisme », mot forgé par l’historien Henry Rousso dans Le syndrome de Vichy : la seule vraie France pendant la Seconde Guerre mondiale est la France libre résistante, le régime de Vichy n’est qu’une parenthèse
cette vision de la résistance unie est entretenue par le général de Gaulle, de retour au pouvoir en 1958
transfert des cendres du résistant Jean Moulinau Panthéon en 1964 et discours de Malraux
un mythe remis en cause après la mort du général de Gaulle : le rôle du film Le Chagrin et la Pitié, de Marcel Ophüls en 1971
B) La mise en lumière de la collaboration
le rôle de Vichy est d’abord minoré : L’Histoire de Vichy et de la Collaboration de Robert Aron (théorie du glaive et du bouclier)
en 1973, l’historien américain Robert Paxton, dans La France de Vichy, révèle l’ampleur de la collaboration du gouvernement français sous l’occupation
C) La naissance d’une mémoire de la Shoah
le procès Eichmann à Jérusalem en 1961 : émergence d’une mémoire des déportés et enfants de déportés
la loi reconnaissant l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité en 1964 entraine plusieurs procès de hauts fonctionnaires de Vichy dans les années 1970
les étapes de l’affirmation de la mémoire de la Shoah :
la mobilisation contre le négationnisme à la suite des propos de Robert Faurisson en 1979
Shoah de Claude Lanzmann en 1985
le procès de Klaus Barbie en 1987
l’action militante des époux Klarsfeld
4Reconnaissance officielle et usages politiques de la mémoire (depuis les années 1990)
A) La reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la déportation
le procès Papon en 1998
François Mitterrand, premier président de la République à assister à la commémoration du Vel d’Hiv en 1992
en 1995, Jacques Chirac reconnait officiellement la responsabilité de l'État français dans la déportation de Juifs
inauguration du mémorial de la Shoah en 2005
B) Les usages politiques de la Résistance
l’instrumentalisation de la Résistance par le politique :
lecture de la lettre de Guy Môquet, jeune résistant, dans les collèges et lycées instaurée en 2007
déplacements de Nicolas Sarkozy au plateau des Glières, haut lieu de la Résistance
instauration d’une journée du souvenir de la Résistance en 2013 par François Hollande
C) L’émergence de nouvelles mémoires
de nouvelles mémoires émergent depuis les années 1990 :
les « Justes » : les personnes qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs
les « Malgré-nous » : la collaboration contrainte de l'Alsace et de la Moselle
les Tziganes : l'émergence de la mémoire du génocide