l’éloquence, à l’origine de l’argumentation : dans les cités grecques démocratiques, lors des débats politiques, chaque citoyen doit défendre son opinion et apprendre l’art de bien parler, la rhétorique
argumenter = développer une pensée organisée en s’appuyant sur quatre piliers :
un thème : le sujet traité
une thèse : le jugement émis sur ce sujet et défendu par le locuteur
des arguments : idées, causes, références qui servent à défendre une thèse
des exemples : éléments concrets qui viennent appuyer les arguments
définition des trois genres de l’éloquence par Aristote dans La Rhétorique :
le genre judiciaire consiste à défendre ou à accuser
le genre délibératif consiste à conseiller ou déconseiller, soutenir ou combattre afin de pousser à prendre une décision ; employé souvent au théâtre, dans les débats dialogués ou intérieurs
le genre démonstratif ou épidictique consiste à faire l’éloge ou le blâme d’un être, d’une chose ou d’une idée ; employé dans les portraits, les critiques d’art, les articles de presse, les oraisons funèbres, etc.
B) Les stratégies argumentatives
l’argumentation repose sur la rhétorique, qui consiste à maîtriser différentes techniques :
s’adresser à un destinataire : utilisation des pronoms pour établir une complicité (nous, vous, on) ou désigner l’autre comme cible (« on » exclusif) ; emploi de l’apostrophe ou de la question rhétorique pour interpeller, créer une sorte de dialogue et inciter à l’action
mettre en valeur son raisonnement : emploi de connecteurs logiques, organisation du propos en paragraphes, gradation dans l’emploi des arguments (on termine par l’argument le plus fort)
donner rythme et force à son propos en travaillant sur le rythme et la syntaxe de la phrase : rythme binaire ou ternaire, parallélisme syntaxique, chiasme, période (longue phrase qui se déploie harmonieusement), types de phrases variés, etc. ; emploi de procédés d’insistance : répétitions, accumulations, gradations, anaphores, mises en relief
frapper les esprits : emploi des figures de style : métaphores, métonymie, antithèse, mise en parallèle, etc.
les différentes visées de l’argumentation : convaincre ou persuader ?
l’art de convaincre : fait appel aux facultés d’analyse et de raisonnement du destinataire, à sa logique, pour obtenir son adhésion réfléchie
l’art de persuader : agit sur la sensibilitéet les émotions du destinataire pour obtenir une adhésion spontanée à sa thèse
ces deux visées sont souvent associées dans un même texte. Ex. : le réquisitoire de Victor Hugo contre la peine de mort, notamment dans Le Dernier Jour d’un condamné
C) Les différents types de raisonnements
le raisonnement par induction : qui part de cas particuliers pour aboutir à une idée générale
le raisonnement par déduction : qui part d’idées générales pour aboutir à une conclusion particulière (syllogismes)
la concession : accepter une partie de la thèse adverse pour donner plus de force à ses propres objections et donc à sa thèse
la réfutation : apporte un argument contraire aux arguments adverses
le raisonnement par l’absurde : montre la fausseté d’une thèse en montrant ses conséquences dépourvues de sens
D) Les genres de l’argumentation
on distingue l’argumentation directe et l’argumentation indirecte :
l’argumentation est directe lorsque son auteur présente ses idées (thèse, arguments) sans recourir à un récit de fiction
l’argumentation est indirecte lorsque les idées, un enseignement sont présentés sous la forme d’une fiction
les genres de l’argumentation directe :
l’essai : texte de réflexion personnelle en prose, inauguré par Montaigne au XVIe siècle ; formes très variées : article de presse, de dictionnaire, lettre, traité, pamphlet, etc.
la maxime : réflexion qui se veut générale, énoncée de manière très concise et présentant une idée originale et surprenante
la satire : critique en vers ou en prose les vices et les ridicules des hommes et d’une époque
les différents discours : oraison funèbre, sermon, plaidoirie, réquisitoire, etc.
les genres de l’argumentation indirecte :
l’apologue, récit contenant un enseignement (fable et conte, certains romans ou nouvelles)
la fable, récit souvent très court qui suggère un enseignement qui peut rester implicite (La Fontaine)
le conte philosophique se présente comme un conte traditionnel mais à pour objectif d’éveiller chez le lecteur une réflexion critique ; utilise l’ironie pour dénoncer les préjugés et les abus d’une époque (Voltaire)
l’utopie, genre inventé par Thomas More dans Utopie (1516), dans lequel il décrit une cité idéale pour mieux critiquer le monde tel qu’il est
le portrait, genre très apprécié au XVIIe siècle
certains romans ou pièces de théâtre ou œuvres de poètes engagés
2L’argumentation au XVIIe siècle : le règne de la raison
A) La pensée des classiques
le classicisme est le courant dominant de la seconde moitié du XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV
une pensée soumise à des règles :
exigence de clarté : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » (Boileau, Art Poétique)
conciliation entre « instruire » et « plaire » (Molière, La Fontaine), qui reprend le « placere et docere » des Anciens
une pensée pessimiste :
l’homme a peu de prise sur sa destinée, il est soumis à la volonté de Dieu, à la société et au roi ( « misère » de la condition humaine)
l’homme est victime de ses passions, de ses excès, de ses vices (amour-propre, hypocrisie, jalousie, etc.). Ex. : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector qui est mort.
la recherche d’un idéal social et humain : « l’honnête homme »
refus des attitudes extrêmes : recherche de la mesure et de l’équilibre grâce à la raison, recherche de maîtrise des passions. Ex. : Philinte, personnage de Molière, ni misanthrope invivable comme Alceste, ni hypocrite servile
souci de plaire et de séduire : l’élégance du comportement reflète celle de l’esprit
B) Les moralistes classiques
imitation des Anciens, sans renoncer à faire œuvre personnelle :
renouvellement des genres antiques pour les porter à la perfection
ajout d’une dimension satirique qui ouvre la voie à l’esprit de contestation du XVIIIe siècle
les principaux moralistes classiques (voir la fiche auteurs) :
La Rochefoucauld (Les Maximes, 1665)
Pascal (Les Pensées, 1670)
La Fontaine (Fables, 1668-1694)
La Bruyère (Les Caractères, 1688)
Bossuet (Sermons et Oraisons funèbres, 1689)
3L’argumentation au XVIIIe siècle : contestation et affirmation de valeurs nouvelles
A) L’esprit des « Lumières »
les Lumières, un mouvement d’idées qui s’exprime dès la fin du XVIIe siècle mais prend toute son ampleur avec L’Encyclopédie (1751-1772) ; les Lumières veulent éclairer l’obscurité de l’ignorance
l’esprit des Lumières repose sur trois grands principes : le culte de la raison, la méthode expérimentale, la vulgarisation et l'engagement
le culte de la raison :
autonomie de la pensée qui part du doute (cf. méthode de Descartes) puis s’appuie sur la raison critique (« esprit d’examen ») qui distingue le vrai du faux
autonomie de la pensée vis-à-vis de la religion : respect de la foi mais la sépare de la connaissance, refus de l’obscurantisme
dénonciation des préjugés, des fanatismes et de tout ce qui entrave la réflexion objective
la méthode expérimentale :
le philosophe est d’abord un observateur, il se passionne pour tout
pratique de la méthode inductive : de l’étude des faits particuliers, on induit des lois générales (cf. le physicien Newton)
la vulgarisation et l’engagement :
vulgarisation du savoir par la diffusion de genres nouveaux que tout le monde lit : contes, articles de l’Encyclopédie, etc.
recherche du bonheur sur terre (et pas seulement dans l’au-delà !) et d’une nouvelle organisation politique et sociale
dénonciationde l’intolérance, despotisme, de l’esclavage, de la guerre, des dogmes religieux
B) Auteurs et œuvres
pour Montesquieu, toute vérité est relative, toute certitude renvoie à l’intolérance et au fanatisme
Les Lettres persanes, L’Esprit des lois
Voltaire combat l’Infâme (« écrasons l’Infâme »), c’est-à-dire l’oppression intellectuelle et morale, la superstition, le fanatisme ; principe de tolérance
utilisation de l’ironie dans le conte voltairien : Candide se moque de l’optimisme, Micromégas nous fait réfléchir au relativisme, etc.
pour Diderot, l’homme agit naturellement et nécessairement en vue de son bonheur
L’Encyclopédie ; Jacques le Fataliste (illustre le conflit entre fatalisme et liberté), Supplément au voyage de Bougainville (utilisation du dialogue pour valoriser un bonheur paisible, sensuel et sans remords)
Rousseau : opposition entre Nature et Société, l’homme est dénaturé par la société ; renouvelle le thème du « bon sauvage » en montrant que la vertu et le bonheur sont incompatibles avec la civilisation
La Nouvelle Héloïse, Le Contrat Social, Les Confessions
L’Encyclopédie, grande œuvre des Lumières
25 ans de travail, mille contributeurs (Diderot, D’Alembert, Montesquieu, Voltaire, etc.)
une œuvre militante : ton souvent ironique et combatif, beaucoup d’articles antireligieux
la moitié de l’Encyclopédie est composée de planches gravées : parti-pris d’une civilisation du travail, de l’artisanat, de l’agriculture
valorisation des arts manuels qui participe à la construction d'une nouvelle image de la société, dans laquelle la bourgeoisie et les artisans occupent la première place réservée autrefois à l’aristocratie