1Affrontements médiatiques et divisions de l’opinion publique de la fin du XIXe siècle aux années 1930
A) L’essor de la presse libre sous la République à la fin du XIXe siècle
liberté de la presse garantie par la loi de 1881 : fin des autorisations préalables de publier
essor de la presse libre grâce aux progrès de la scolarisation (lois scolaires de Ferry en 1881-1882) et aux progrès techniques (invention des imprimeries rotatives, du télégraphe et du téléphone, du train, etc.) qui font circuler l’information : la presse devient un média de masse
la presse forme l’opinion, accompagne l’enracinement politique et reflète la diversité des opinions politiques :
elle contribue à nourrir les grands débats nationaux (débat sur le colonialisme ; loi de séparation des Églises et de l’État en 1905)
elle dénonce des scandales et des affaires de corruption (ex. : scandale de Panama), auxquels elle est parfois aussi mêlée (ex. : l’affaire Caillaux)
l’affaire qui a été le plus investie par la presse demeure l’affaire Dreyfus
B) La presse écrite et la mobilisation de l’opinion publique pendant l’affaire Dreyfus
début de l’Affaire en 1894 ; à partir de 1897, la presse, massivement antidreyfusarde, fait de l’enquête une « affaire » dans laquelle s’engagent et se combattent par journaux interposés :
les intellectuels dreyfusards (Zola et son « J’accuse » à la Une de l’Aurore)
la presse antisémite antidreyfusarde
la presse nourrit les divisions au sein de l’opinion publique, polarisée en deux camps ; ces divisions correspondent à un clivage politique et idéologique, entre une gauche républicaine et démocrate et une droite nationaliste
C) La rupture de la Première Guerre mondiale et le contrôle de l’opinion dans les années 1920/1930
loi du 4 août 1914 sur la censure préventive : rétablissement de la censure, retour du contrôle de l’État sur l’information, défiance à l’égard des journaux, presse discréditée
après la Première Guerre mondiale :
réorganisation de la presse : en 1918, première charte de déontologie des journalistes et réglementation de la profession
apparition de la radio qui se popularise dans les années 1930 : permet le « direct », une information populaire oralisée
la crise du 6 février 1934 :
manifestation antiparlementaire contre la République, dans un contexte de corruption (affaire Stavisky)
la presse s’empare de l’événement, fragilise le régime
plusieurs lectures de l’événement : a gauche appelle à défendre la démocratie contre un coup d’État fasciste ; la droite condamne la République
rôle de la presse dans la défiance vis-à-vis du régime dans les années 1930, en amont de la crise (presse d’extrême-droite très virulente)
Transition : l'opinion publique est liée au développement des médias. Elle s'affirme au XIXe siècle avec la presse « fabrique d’opinion » (affaire Dreyfus), contrôlée par l’État (Première Guerre mondiale) ou outil de déstabilisation politique (crise du 6 févier 1934).
2L’État et les débuts de la révolution des médias (années 1940-début des années 1960)
A) La bataille de l’information et la « guerre des ondes » pendant les années noires
Vichy et l’Allemagne contrôlent et censurent la presse écrite :
des journaux sont supprimés à partir du début de la guerre (L’Humanité, la Croix)
des journaux de propagande apparaissent (Aujourd’hui, le Petit Parisien)
d’autres résistent clandestinement (Combat, Libération Sud, etc. ; 1 200 journaux clandestins dans la France occupée)
la radio est un élément de combat, c’est la « guerre des ondes » :
la radio, instrument de propagande qui diffuse en zone occupée un programme contrôlé par les Allemands (Radio Paris), plus des radios en zone libre (Radio Vichy)
la Résistance et la France libre utilisent aussi la radio : Radio Brazzaville, Radio Alger après 1943, la BBC (appel du 18 juin) ; transmission de messages personnels, de messages codés et d’alertes sur les opérations militaires
dans cette « guerre des ondes », affrontement Philippe Henriot/Pierre Dac très violent
B) La recomposition du paysage médiatique après la guerre
épuration dans la presse : des journaux sont interdits, des journalistes suspendus et une ordonnance interdit tous les journaux parus sous Vichy
apparition de titres issus de la Résistance (Le Monde) ; naissance de l’Agence France Presse (AFP) en 1944, chargée de la restructuration de la presse qui se modernise (magazines, plus de photos) et est sous contrôle de l’État ou des actionnaires
l’âge d’or de la radio :
apparition du transistor, mobile, qui favorise la diffusion des radios périphériques (Europe 1, RTL) non soumises au contrôle de l’État
création de l’ORTF en 1964
la radio est le média dominant dans les années 1950 et 1960 ; utilisée par les hommes politiques, dont les voix deviennent familières
la télévision connait un très grand succès à la fin des années 1960 et au début des années 1970 : 40 % des Français ont un poste de télévision en 1965 (contre 297 foyers en 1949)
C) L’État contrôle les médias pendant la guerre d’Algérie et la crise de mai-juin 1958
les médias diffusent en direct les informations et la version officielle des « événements d’Algérie »
contrôle important des journaux pendant la guerre d’Algérie ; saisies de journaux qui dénoncent la torture et s’opposent à la guerre (L’Humanité, Le Monde, L’Express, France-observateur)
le retour du général De Gaulle en 1958 est médiatisé à l’extrême ; adaptation du discours des radios et télés aux évolutions du pouvoir en place, mise en scène du caractère providentiel du retour de De Gaulle
renforcement de lamainmise de l’État sur les médias sous De Gaulle, qui utilise la télévision pour asseoir son pouvoir personnel (59 apparitions entre 1958 et 1969)
Transition : après la Seconde Guerre mondiale, la presse perd de son influence au profit de la radio puis de la télévision, qui donnent accès à l’événement en direct, à la voix. L'État contrôle étroitement ces médias, en particulier pendant les grandes crises politiques.
3La libéralisation et la diversification des médias depuis les années 1970
A) La crise de mai 68 est aussi une crise des médias
la censure est contournée par la création de journaux étudiants et par les reportages de terrain de journalistes, envoyés par les radios périphériques ; les médias se font l’écho des malaises de la jeunesse
importance de l’image visible dans la multiplication de slogans illustrés
l’indépendance des médias et leur influence sur l’opinion publique deviennent des enjeux de lutte entre la classe politique conservatrice et la société civile
premiers mouvements de grèves de journalistes contre la censure ; l’ORTF est l’une des principales cibles de la révolte
B) Le paysage médiatique connait une libéralisation et un éclatement depuis les années 1970
la fin de l’ORTF est décidée par Valéry Giscard d’Estaing en 1974 mais l’audiovisuel reste sous monopole d’État, même si des sociétés distinctes apparaissent
3 chaines de télévision (TF1, A2, FR3)
Radio France
SFP (Société française de production)
INA (Institut national de l’audiovisuel))
en 1982, sous la gauche : libéralisation de l’audiovisuel, avènement de nombreuses radios libres;nouvelles chaînes de télévision (Canal +, la 5) en grande partie privatisées
au début du XXIe siècle, la diversification de l’offre télévisuelle s’amplifie : le câble, la télévision par satellite, la TNT
la télévision, outil d’information privilégié des Français ; presse écrite en crise, soumise à la concentration financière par des grands groupes (Dassault, Rothschild)
C) Depuis les années 1990, de nouveaux médias et de nouvelles pratiques d’information
la société de communication contre l’information ? Les médias ciblent des audiences précises et les leaders politiques adaptent leur message en fonction des sondages et des attentes de l’opinion
modification des usages avec l’ère du numérique :
développement de l’information sur Internet, gratuite, disponible partout sur différents supports (ordinateurs, smartphones, tablettes)
journalisme des pure players, réseaux sociaux, blogs : chacun peut faire circuler de l’information instantanément
le 21 avril 2002, Internet a été utilisé comme outil de campagne ; limites des sondages qui n'ont pas annoncé l’arrivée du leader d’extrême-droite au second tour des élections présidentielles
formation d'une démocratie d’opinion à la faveur de la révolution technologique ; le débat a lieu désormais en permanence sur Internet
Bilan : les relations entre médias, opinion publique et pouvoir ont connu des évolutions diverses selon les époques et les supports de diffusion de l’information. La diversification et la libéralisation des médias au XXe siècle renforce l'importance de l'opinion publique. Avec Internet, l’information s’affranchit de la distance et du temps et se libère du contrôle politique.